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visible. Les fêtes italiennes sous leur forme la plus parfaite marquent le passage de la vie ordinaire dans le domaine de l’art.

À l’origine, les deux formes principales des fêtes publiques sont, en Italie comme dans tout l’Occident, le mystère, c’est-à-dire l’histoire sainte ou la légende dramatisée et la procession, c’est-à-dire le cortège pompeux auquel donne lieu une solennité religieuse. En Italie, les représentations des mystères étaient plus brillantes, plus nombreuses et, grâce au développement parallèle de l’art plastique et de la poésie, plus élégantes qu’ailleurs. Peu à peu s’en dégagent, non-seulement la farce, comme dans le reste de l’Occident, et ensuite le drame profane, mais encore la pantomime, qui fut de bonne heure accompagnée de tout ce qui pouvait la rendre intéressante et variée, et à laquelle s’ajoutèrent le chant et les ballets.

Dans les villes italiennes au sol uni, aux rues larges[1] et bien pavées, la procession donne naissance au triomphe, c’est-à-dire au cortège de personnages costumés, en voiture et à pied, dont la signification, surtout religieuse d’abord, devient ensuite de plus en plus profane. La procession de la Fête-Dieu[2] et les mascarades de carnaval se ressemblent pour la pompe extérieure, qui se retrouve plus tard dans les cortèges des princes entrant dans les villes. Il est vrai que les autres peuples déployaient parfois la plus grande magnificence dans les fêtes de ce genre, mais ce n’est qu’en Italie que se forme une sorte de science des fêtes, qui faisait de ces cortèges de savautes allégories.

  1. Comparativement aux villes du Nord.
  2. À Venise, la procession de la Fête-Dieu n’est instituée qu’en 1407 : Cecchetti, Venezia e la corte di Roma, l, 108.