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CHAPITRE II. - LA RELIGION DANS LA VIE JOURNALIERE. 251 les adversaires d’un pareil système. A ce propos il con¬ vient de rappeler surtout cette troupe de jeunes gens organisée par Savonarole, qui pénétrait dans les maisons et qui exigeait les objets nécessaires pour le bûcher. Parfois ils étaient renvoyés et battus; aussi, pour appuyer la fiction d’une bourgeoisie régénérée par la vertu, leur adjoignit-on des adultes chargés de les^ protéger. C’est ainsi que les grands auto-da-fé de la place des Seigneurs purent avoir lieu le dernier jour du carnaval de 1497 et de 1498. On voyait se dresser au milieu de la place une pyramide à gradins qui ressemblait au rogus sur lequel on avait coutume de brûler les corps de» empereurs romains. Au pied de la pyramide étaient amoncelés des masques, de fausses barbes, des costumes de fantaisie, etc,; puis venaient les livres des poètes latins et kaliens, entre autres le Morgante de Puici, Boccace, Pétrarque, des parchemins précieux et des manuscrits ornés de miniatures; ensuite c’étaient de» parures de femme et des objets de toilette, des parfums, des miroirs, des voiles, de fausses nattes; plus haut on voyait des luths, des harpes, des échiquiers, des trictracs, des cartes à jouer; enfin les deux gradins supérieurs étaient couverts de tableaux qui représentaient surtout des femmes, soit des beautés portant les noms classiques de Lucrèce, de Cléopàtre. de Faustine, soit des beautés célèbres du jour, telles que Bencina, Lena Morella, Bina et Maria de Lenzi; tous les tableaux de Bartolomeo della Porte, qui en fit le sacrifice volontaire, et, paraît-il, aussi quelques têtes de femmes, chefs-d'œuvre de scul¬ pteurs de l’antiquité. La première fois, un marchand de Venise qui se trouvait à Florence offrit à la Seigneurie 22,000 écus d’or pour tout ce que portait la pyramide 4