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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/273

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intérêts de la culture ; seulement ceux-ci, tels que nous les comprenons, ne nous donnent qu’une faible idée de la surexcitation que provoquait partout la découverte de tant de choses nouvelles. C’est là le côté sérieux de ce caractère mondain ; c’est lui qu’ont exalté la poésie et l’art. Par une sublime fatalité, l’esprit moderne est condamné à garder ce caractère ; il est poussé par une force invincible à étudier les hommes et les choses, et regarde cette étude comme sa plus noble mission[1]. Quand et comment cette étude le ramènera-t-elle à Dieu ? comment se conciliera-t-elle avec les sentiments religieux de l’individu ? ce sont des questions qui ne peuvent pas se résoudre au moyen de formules générales. Le moyen âge, qui en somme s’était épargné l’expérience et le libre examen, ne saurait être appelé à donner la solution d’aussi graves problèmes.

À l’étude de l’homme, mais aussi à bien d’autres choses encore, se rattachaient la tolérance et l’indifférence avec lesquelles on traitait le mahométisme. La connaissance et l’admiration de la haute culture des peuples musulmans, surtout avant l’invasion des Mongols, étaient certainement, depuis les croisades, l’apanage exclusif des Italiens ; qu’on ajoute à cela les allures semi-mahométanes de leurs propres princes, l’aversion secrète et même le mépris que leur inspirait l’Église telle qu’elle était, les voyages en Orient, le commerce dont les centres préférés sont toujours les ports de l’est et du sud de la Méditerranée[2]. Dès le treizième siècle, on peut constater chez les Italiens la reconnais-

  1. Comp. la citation empruntée au discours de Pie sur la dignité de l’homme, p. 90 ss, appendice no 4 (quatrième partie).
  2. Sans compter qu’on pouvait parfois rencontrer chez les Arabes eux-mêmes une tolérance ou une indifférence semblable.