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338 MOEURS ET RELIGION.

avait lu son arrôt, il n’avait cessé d’aspirer à une réconciliation complète avec Dieu sans pouvoir y arriver comme il le désirait ; mais en ce moment il espérait se donner à lui tout entier. » C’est évidemment une expression de Savonarole qui, comprise à moitié seulement, avait jeté l’inquiétude dans son âme.

Si nous possédions d’autres aveux de ce genre, le tableau intellectuel s’enrichirait d’une foule de traits intéressants que les traités et les poèmes sont incapables de nous fournir. Nous verrions mieux encore combien était fort le sentiment religieux primitif, combien était subjectif et fragile en même temps l’attachement de rindividu à la religion, enfin quels redoutables ennemis se dressaient en face de celte dernière. Il est incontestable que des hommes placés dans de telles conditions sont impuissants à fonder une Église nouvelle ; mais l’histoire de l’esprit des peuples occidentaux serait incomplète si elle ne s’arrêtait pas sur cette période de fermentation traversée par les Italiens, pendant qu’elle peut s’épargner l’étude d’autres nations qui ne prenaient aucune part au mouvement intellectuel. Mais revenons à la question de l’immortalité.

Si le scepticisme qui régnait à cet égard parmi les esprits cultivés gagna tant de terrain, cela tenait aussi à ce que la grande mission de découvrir le monde et d’en reproduire l’image par la littérature et par l’art, absorbait presque entièrement toutes les forces de l’esprit et de i’âme. Nous avons déjà montré que ce caractère mondain de la Renaissance était fatal (p. 268). Mais en même temps ces études et ces travaux firent naitre un gentiment général de doute et de curiosité. Si cet esprit se manifeste peu dans la littérature, si, par exemple, il ne se révèle que par un petit nombre de critiques diri-