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d’Alphonse le Grand », par Antonio Panormita[1], écrits du vivant du Roi et, à cause de cela même, plus empreints de flatterie et d’admiration que l’histoire ne le comporte, sont remarquables en ce qu’ils constituent un des premiers recueils d anecdotes et de propos sérieux aussi bien que plaisants.

Le reste de l’Europe ne suivit que lentement les auteurs italiens en ce qui concerne la peinture des caractères[2], bien que les grands mouvements politiques et religieux eussent brisé bien des entraves et éveillé des milliers d’individus à la vie intellectuelle. Ce sont encore des Italiens, littérateurs aussi bien que diplomates, qui nous font le mieux connaître les personnalités les plus marquantes du monde européen d’alors. Comme de nos jours, les rapports des ambassadeurs de Venise du seizième et du dix-septième siècle ont vite conquis la première place dans le domaine de la peinture des personnes[3].

Chez les Italiens, l’autobiographie elle-même étend parfois son vol et descend dans les profondeurs de l’individu ; à côté des mille faits de la vie extérieure, elle décrit d’une manière saisissante les phénomènes moraux, tandis que chez d’autres nations, même chez les Allemands du temps de la Réforme, elle se borne à consigner les faits

  1. Voir plus haut, t. I, p. 277. et note 1, même page.
  2. Sur Commines, voir plus haut, t. I, p. 121, et note 3, même page. Tandis que Commines, ainsi qu’on l’indique dans ce passage, doit en partie à l’influence italienne sa faculté de juger d’une manière objective, les humanistes et les hommes d’État allemands, bien qu’ayant souvent séjourné plusieurs années en Italie, bien qu’ayant cultivé avec ardeur et parfois avec beaucoup de succès les études classiques, n’ont guère ou point appris à peindre les caractères et à réussir dans le genre biographique. Au quinzième siècle et souvent encore dans la première partie du seizième, les relations de voyages, les biographies, les études historiques des historiens allemands ne sont que de sèches énumérations ou des déclamations pompeuses et vides.
  3. Comp. plus haut, p. 121 ss.