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Page:Burckhardt - La civilisation en Italie au temps de la Renaissance. Tome 2.djvu/72

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de personne, je monte en courant les escaliers et les collines ; je suis content, ma gaieté est communicative, je n’ai point de soucis, point de tristes pensées. La joie, le calme ne m’abandonnent jamais… Je fréquente des gens sages, instruits, distingués, de condition honorable, et, quand ces personnes ne sont pas chez moi, je lis ou j’écris, et je cherche de cette manière comme de toute autre à être utile à mes semblables. Je fais chacune de ces choses en son temps, à mon aise, dans ma belle maison de Padoue si admirablement située, protégée par l’art contre les ardeurs de l’été et les rigueurs de l’hiver, ornée de jardins arrosés par une eau courante. Au printemps et en automne, je me retire pour quelques jours sur une colline, où j’ai la plus belle vue des Euganées, avec des fontaines, des jardins et une demeure élégante et commode ; à l’occasion je prends part à une chasse agréable et facile, telle que mon âge la comporte. Ensuite je vais passer quelque temps dans ma belle villa de la plaine[1] ; là, tous les chemins viennent aboutir à une place au milieu de laquelle s’élève une église ; un bras considérable de la Brenta traverse de riches plantations, des champs fertiles et bien cultivés ; une population nombreuse habite ce pays, qui n’était autrefois qu’un marécage malsain, et qui semblait fait pour être la demeure des reptiles plutôt que des hommes. C’est moi qui ai fait écouler les eaux ; alors l’air s’est purifié, les habitants sont venus et se sont multipliés ; partout se sont élevées des maisons ; aussi puis-je dire en toute sincérité que j’ai donné à Dieu un autel et un temple, et des âmes pour l’adorer. C’est là ma consolation et mon bonheur chaque fois que j’y viens. Au printemps et en

  1. Est-ce bien la villa de Codevico dont il est question p. 39 ?