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qui lui sont fournis par des femmes et des jeunes filles de Prato. Comme son opuscule est, pour ainsi dire, la reproduction d’un cours qu’il fait en présence de la population féminine de Prato, par conséquent devant le plus sévère des tribunaux, il faut bien qu’il ait été fidèle à la vérité. Son principe, il le reconnaît, est celui de Zeuxis et de Lucien : il réunit des beautés de détail pour en former la beauté par excellence. Il raisonne et définit l’effet des couleurs de la peau et des cheveux ; il donne la préférence au biondo comme étant la reine des couleurs[1] ; seulement il entend par là une nuance dorée qui tire sur le brun. D’autre part, il veut que les cheveux soient épais, bouclés et longs, que le front soit pur et deux fois aussi large que haut, la peau brillante (candide), et non mate (bianchezza), sourcils foncés, soyeux, plus fournis au milieu qu’aux extrémités, qu’ils aillent en diminuant vers l’oreille et vers le nez, que le blanc de l’œil ait une teinte bleuâtre, que l’iris ne soit pas tout à fait noir, bien que tous les poètes proclament occhi neri un don de Vénus ; le bleu de ciel n’a-t-il pas été la couleur des yeux de certaines déesses, et tout le monde n’aime-t-il pas la douce expression d’un œil brun foncé ? L’œil lui-même doit être grand et légèrement saillant ; les plus belles paupières sont celles qui sont blanches avec de petites veines rouges à peine visibles ; les cils ne doivent être ni trop épais, ni trop longs, ni trop foncés. Il faut que l’orbite ait la couleur de la joue[2]. L’oreille, de

  1. Tout le monde était d’accord là-dessus, non pas seulement les peintres, qui avaient pour cela des raisons de coloris. Comp. aussi plus bas.
  2. À ce propos parlons des yeux de Lucrèce Borgia, d’après les distiques d’un poëte de cour ferrarais, Hercule Strozzia. (Strozzii, Poetœ, fol. 85, 88.) La puissance de son regard est caractérisée d’une manière qui ne peut s’expliquer qu’à une époque où fleu-