Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/119

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tenant tout œil exercé peut se convaincre que les sculpteurs en question n’ont pu, malgré tout, renoncer à tous les moyens de plaire que fournissait l’art de leur époque, qu’ils adoucissaient notablement la dureté de la musculature antique et l’expression singulière des têtes, et que, de cette manière, un contraste très sensible s’établit entre la conception archaïque et l’exécution plus souple de l’œuvre. Quelquefois cette observation est rendue encore plus facile au visiteur par exemple, un des reliefs cités (dans la salle principale de la Villa Albani et ailleurs), qui représente les Libations à Apollon [a] après la victoire au concours de la cithare, a pour fond un temple corinthien. Ici l’anachronisme saute aux yeux, car tout le monde sait que cet ordre est d’origine bien plus récente que le style de la sculpture ne paraît l’être. Il est extraordinairement difficile, en revanche, de décider s’il faut considérer une telle œuvre comme une reproduction libre, exagérée en plus d’une partie, d’un original grec archaïque, ou comme une création nouvelle et postérieure dans les formes de l’art primitif. Chaque œuvre en particulier nous amène à faire cette distinction.

Dans ce style les types des dieux sont naturellement consacrés par des formes plus antiques. Les visages masculins ont en général un air plus âgé ; Mercure et Bacchus mêmes sont barbus ; le vêtement est en général plus complet et autrement drapé ; maint ornement isolé se fait remarquer, dont l’art achevé se passerait bien. Il nous faut omettra ici d’autres détails.

Longtemps ce style était nommé à tort étrusque. Sans doute les œuvres qui portaient ce caractère ont été plus d’une fois mises au jour dans les fouilles de l’Étrurie, où s’était conservée d’une manière remarquable une tradition artistique venant de la Grèce : mais ce fait ne prouve rien contre l’origine grecque de ce style. À propos des vases, nous observerons un fait semblable.


Nous laissons de côté l’art étrusque lui-même, car il fournit plutôt des documents instructifs pour l’histoire du beau qu’il ne procure une jouissance artistique immédiate. C’est seulement au moyen de recherches longues et très conjecturales que nous pourrions éclaircir et pour nous et pour le lecteur ce qui, dans cet art, appartient aux anciennes coutumes religieuses, au génie particulier du peuple, aux influences primitives de la culture grecque, à l’immigration postérieure d’œuvres de l’art grec et même d’artistes grecs, enfin à une communauté d’épreuves pendant les destinées et la décadence de l’art romain. Les objets dont il s’agit, qui sont très nombreux et surtout petits, forment une collection au Vatican, par exemple, dans une galerie spéciale, le Museo Etrusco [b], un musée étrusque a été nouvellement installé au Capitole [c] ; nous citerons encore la riche collection d’un orfèvre renommé, A. Castellani, à Rome, Piazza Poli [d]. Plusieurs des œuvres les plus importantes, entre autres