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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/130

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gine romaine. On prenait autrefois cette statue pour un Pyrrhus. Dans la grande salle du même musée, la statue nue, d’une bonne facture, qui représente un homme dans la force de l’âge casqué, presque un athlète, est sans contredit un Mars [a], mais avec la figure d’Adrien. Le groupe de Mars et de Vénus [b], qu’on voit souvent, ici par exemple, est en général d’un travail plus moderne, fortement restauré, et les têtes sont également des portraits. — Même la magnifique statue de la Villa Ludovisi est pour bien des personnes un Achille [c] ; on serait cependant fondé à la regarder comme un dieu de la guerre calmé et au repos ; l’épée à la main, le bouclier au bras droit, il est assis sur un rocher, le pied gauche appuyé sur un casque ; devant lui se tient un Amour. Il ressemble à Mercure mais les traits sont plus virils, plus sévères, plus durs, surtout dans le bas du visage. L’attitude est d’une aisance merveilleuse et offre de tous côtés les plus belles lignes. Son analogie avec l’Apoxyomenos (voir plus bas) porte à le considérer comme un original de Lysippos (Statue au Palais de Latran, salle 4 [d]). — Dans le voisinage, la statue également nue d’un héros assis par terre ; sujet d’une comparaison instructive entre le caractère héroïque et le caractère divin de Mars.

Armé de pied en cap, courant et levant le bras pour frapper, tel est Mars dans la plupart des figures d’airain où le représente l’art étrusque. (Museo Etrusco du Vatican : le célèbre Mars de Todi [e], debout et calme, œuvre sans âme, mais excellente pour la facture, de l’art gréco-italique le plus ancien ; — Uffizi de Florence, deuxième salle des Bronzes, deuxième vitrine : plusieurs petites figures de ce style ; et aussi un Mars de très petites dimensions [f], mutilé mais dont le type est beau.)


La mythologie antique offre souvent à l’art pour une seule et même divinité plusieurs faces, différents traits caractéristiques, qui furent représentés à mesure que les différentes périodes grecques et aussi les mythes locaux avaient aidé à concevoir telle ou telle figure divine. Mais il arrive enfin que l’art s’empare décidément d’une de ces formes et oublie les autres ou ne les indique plus que très légèrement, comme des réminiscences.

Mercure (Hermès) en fournit plus d’une preuve. C’est à l’origine une divinité souterraine, le dieu de la réussite et de la prospérité ; il devint plus tard le dieu du gain et du commerce, le messager des dieux, voyageant de l’Olympe jusqu’aux enfers, où il conduit aussi les âmes des hommes. Il n’est guère de divinité qui soit plus souvent figurée ; sur toutes les voies on rencontrait une gaine surmontée d’une tête barbue, si bien qu’on appelait « Hermès » tous les monuments de ce genre, quelle que fût la divinité qu’ils représentaient. Comme dieu du succès, Mercure était aussi le protecteur des gymnases. On fit donc plus tard, du rapide et alerte messager des dieux, un type d’adolescent de la palestre, vêtu du manteau court (chlamyde), et l’art s’en tint à cette figure. Pour