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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/169

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style, mais accusant un âge plus avancé, penchant à droite, se voit au même musée, salle de l'Hermaphrodite [a]. Il n'est pas restauré, mais poli. Au Palais Pitti (vestibule extérieur, en haut de l'escalier principal), deux satyres taquinent leurs panthères en tenant en l'air des grappes de raisin [b]. C'est un motif assez fréquent, mais parfois imaginé par l'artiste qui a restauré la statue.

Quelques têtes de satyres entièrement masquées de pampres rendent à merveille la convoitise aux aguets : l'expression des yeux et les dents serrées rapprochent ces figures des masques. Il y a au Musée Chiaramonti du Vatican [c] un modele du genre ; cheveux, barbe et moustaches ne sont que raisin et feuilles de vigne. Au Broccio Nuovo du Vatican [d], deux satyres assis, avec des outres, traités simplement comme décoration d'une fontaine, mais d'une conception heureuse, expriment bien l'effronterie qui naît du vin. Rien que la manière dont sont écartées leurs jambes (en partie anciennes, en partie restaurées, et habilement) est si parlante que cette attitude ne pouvait convenir qu'à des satyres pris de vin. C'est encore à un satyre effronté et malicieux qu'appartenait, soit dit en passant, le petit torse du Musée de Naples [e] (3e salle) qui, autrefois, rejetait de l'eau par sa bouche allongée.

Un autre air, exprimé à merveille, c'est la béatitude dans l'ivresse. Nulle part cet état de l'âme n'est plus joliment rendu que dans le Satyre barbu, couché sur son outre : il lève la main droite et semble envoyer une chiquenaude à l'univers entier (Musée de Naples [f], salle des grands Bronzes [3e]). La vie et la souplesse particulières aux corps des satyres s'accusent avec une grande vigueur dans la ligne mouvementée qui va de l'épaule gauche, appuyée sur l'outre, jusqu'à la cuisse droite. On pent comparer à cette œuvre un satyre du Vatican (Galleria delle Statue) [g], bon travail, mais très retouché.

À côté de ces figures, de pauvres vieux satyres (ou plutôt des scènes) dédaignés, à l'air maussade, partent en traînant des outres. La plupart décoraient des fontaines. On en voit un dans la salle ovale de la Villa Albani [h]. Dans la 'Galleria de’ Cantelabri du Vatican [i], on trouve aussi un jeune porteur d'outre d'une gaieté brutale.

Enfin le sommeil triomphe du satyre ivre. L'Italie ne possède pas en ce genre d'œuvre qui égale le célèbre Faune Barberini de la Glyptothèque de Munich. La statue en bronze du Musée de Naples [j] (3e salle des Bronzes), imitation un peu conventionnelle et fortement restaurée, n'est intéressante que par le motif. Le Faune dort, assis sur un quartier de roc, le bras droit rejeté sur la tête, le bras gauche pendant, comme s'il venait de laisser tomber la coupe.


Un type de satyre, Marsyas, a fourni, par son sort bien connu, un des rares motifs de supplices que l'art antique ait traités. Peut-être n'y eût-on pas songé, si la souple musculature du satyre, pendu par les bras