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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/170

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n’eût précisément offert un sujet d’un rare intérêt. Il y avait dans l’antiquité un groupe fameux qui représentait sans doute Apollon, un ou deux esclaves et l’infortuné satyre : les figures du Marsyas que nous possédons, entre autres celles de la Villa Albani [a] (au Café), deux encore aux Uffizi de Florence [b] (entrée du second corridor ; la figure de gauche a été complétée par Donatello), sont des reproductions isolées qui ne donnent, à vrai dire, qu’une faible idée de l’art consommé que nous pouvons supposer dans l’original. La représentation d’un satyre écorché devait être l’affaire de l’art moderne qui, dans le Saint Barthélemy, a voulu saisir l’âme par le spectacle de la souffrance la plus poignante. (Statue de Marco Agrate dans la galerie du chœur à la cathédrale de Milan.) Dans la fresque de Michel-Ange (Jugement dernier, de la chapelle Sixtine), le saint montre bien aussi la peau qu’on lui a enlevée, mais son corps est déjà revêtu d’une peau nouvelle. Nous croyons reconnaitre un autre satyre soutirant dans le remarquable torse colossal des Uffizi [c] (salle de l’Hermaphrodite), de la meilleure facture grecque. À en juger par ce qui reste de la cuisse gauche, il devait être assis ou appuyé, et cependant les formes du corps expriment la plus grande agitation. De quelle nature était sa souffrance ? lui enlevait-on une épine, ou était-ce quelque chose d’analogue ? on ne saurait le deviner. C’est un satyre vigoureux et sauvage ; sa poitrine et son dos sont d’une force herculéenne, son ventre proéminent montre des veines en saillie.


L’un des plus vieux satyres, toute une génération même, porte le nom de Silène. Il pourrait être le père bienveillant de toute la bande, si son incorrigible amour du vin ne le forçait trop souvent à réclamer l’appui secoourable des jeunes satyres, et ne lui enlevait toute considération. Le vieillard, gras, chauve, risible, ne peut pas même se tenir sur son petit âne ; on est obligé de le tramer sur un chariot ; aussi le taquine-t-on sans pitié. Cependant on ne connaît guère ses défaillances privées que par les vases et les bas-reliefs : en statue il fait meilleure figure. La toison bouclée qui couvre tout son corps, la facture des pieds et des mains, même sa laideur presque agréable, lui donnent parfois un air qui n’est pas commun. On accordera, par exemple, que le Silène de la Villa Albani, (Café) [d], ne fût-ce que pour la jolie pose des pieds, appartient à la race des bons vivants qui ont quelque allure. Un autre exemplaire très bon, mais moins bien conservé, se trouve dans la Sala elle Muse au Vatican [e]. — En général, pourtant, Silène et son outre sont trop inséparables pour qu’on puisse sauver entièrement le pauvre vieillard. Il est à califourchon sur l’outre élastique et la tient par deux extrémités (statuette du Musée de Naples [f], 2e salle des Bronzes) ; le col, en général, servait de bouche de fontaine. Il caresse le cher réservoir (statuette du même musée) comme la petite panthère de Bacchus (autre statuette du même musée). Une petite figure de marbre de la Galleria de’ Candelabri