Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/17

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ce temps dépose en témoignage sur lui-même. Au sortir des Xe, XIe et XIIe siècles, quelle autre humanité ! L’homme devenu une valeur propre, une énergie naturelle, avec le goût et le respect de tous les sentiments destinés à la fortifier : le souci de l’honneur, la passion de la gloire, la fierté de l’esprit, le désir de la culture, l’amour du beau. Une vie politique, favorable à ce développement de l’individu. Un réveil de la science et de l’art, un souffle d’antiquité sur ce monde nouveau, qui en fait le continuateur et l’héritier d’Athènes et de Rome. Une société jeune, ardente, qui aime la vie et la pare ; dont les croyances et les mœurs, de plus en plus terrestres et humaines, tendent à établir le culte unique de la beauté. C’est cette révolution que Burckhardt a décrite avec la conscience des idées et des passions qui lui avaient donné l’essor. Son histoire de la culture[1] (CuIturgesehichte) reposait sur la psychologie profonde de l’âme d’un peuple qui, pendant trois siècles, a été l’âme même de l’humanité.

Burckhardt, comme complément et achèvement de son ouvrage, avait projeté d’écrire un livre sur l’Art de la Renaissance. La première partie seule a été exécutée : l’Histoire de l’Architecture[2]. Mais c’est, j’ose le dire, un travail d’une rare perfection, Burckhardt s’y montre architecte autant qu’historien ; et de tous les arts, d’ailleurs, c’est bien à l’architecture que semblent être allées ses préférences. Ici encore, la forte école de Kugler l’avait solidement préparé. Rien de plus simple et de plus élégant que le plan qu’il a adopté. Après quelques réflexions sur l’instinct, le sens qu’ont les Italiens de l’art monumental, sur le caractère des artistes, des dilet-

  1. L. Geiger, qui a publié la troisième édition de la Culture de la Renaissance, est un des savants allemands qui, avec Lazaros et Steinthal ont le plus fait pour l’établissement d’une psychologie des peuples (Vœlkœrpsychologie). Il est probable qu’en se constituant l’éditeur de l’ouvrage de Burckhardt, il y a vu l’un des essais les plus précoces et les plus heureux de la science nouvelle.
  2. C’est l’ouvrage publié à Stuttgart, en 1867, sous le titre : Histoire de la Renaissance en Italie. Ce volume, précédé d’una courte préface de J. Burckhardt et de W. Lübke, fait suite à la grande Histoire de l’Architecture, en trois volumes, publiée par Kugler (1859), et qui s’arrête à la fin du gothique. — Lübke a publié depuis un volume sur la Renaissance française et un volume sur la Renaissance allemande. — Une seconde édition de l’ouvrage de Burckhardt a paru à Stuttgart en 1878.