Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sance en Italie, publiée à Bâle en 1860 ; l’Histoire de la Renaissance en Italie, publiée à Stuttgart en 1867. Ces livres, composés moitié du haut de la chaire, moitié en voyage, sont le résumé d’une vie, l’application d’une méthode, la confession d’une foi artistique et littéraire.

J’ai indiqué déjà ce qu’était la Culture de la Renaissance en Italie[1]. Je voudrais, pour définir encore le caractère de cet ouvrage, reprendre, au sens original, le titre que Voltaire avait choisi pour son abrégé d’histoire universelle : Essai sur les mœurs. Ce dernier mot comprend tout ensemble le génie d’une race, ses croyances, ses traditions, ses idées, ses aptitudes, ses goûts, d’où résultent ses habitudes et ses lois qui, le temps aidant, deviennent ses mœurs. Les mœurs de la Renaissance, la manière dont elles se sont formées ; quels changements elles expriment et traduisent dans l’âme, le cœur et l’esprit de l’homme, à quelle vie nouvelle elles le destinent : tel est le sujet que s’est proposé Burckhardt, et que son analyse a vraiment épuisé. Le difficile en pareille matière, et lorsque l’œuvre du temps a fait de ces habitudes, de ces mœurs, qui un jour ont été nouvelles, une seconde nature, de dépouiller le vieil homme et d’atteindre à la source l’impression de « fraîche nouveauté » qu’à cette date déjà éloignée a ressentie l’âme humaine. Pour avoir la sensation de la renaissance, il faut, en quelque sorte, renaître soi-même. Et le secret de cette jouvence c’est, par un effort d’imagination, de science et de sympathie, d’émigrer vers ces siècles de jeunesse, et de pénétrer au cœur même des hommes qui y ont vécu. L’histoire, à cet égard, est surtout une psychologie. Aussi Burckhardt a-t-il de préférence recherché les confidences des autobiographies et des mémoires. La Vita nuova de Dante, le Secret de Pétrarque, les Sonnets et la Fiammetta de Boccace, les Commentaires du pape Pie II, les Lettres de Machiavel et de l’Arétin, la Vie de Benvenuto Cellini, ou encore les Hommes illustres et les Éloges de Paul Jove, les Florentins illustres de Jacques de Bergame, la Vie des Peintres de Vasari ; autant de documents immédiats où

  1. Une seconde édition a paru à Leipzig en 1869, une troisième à Leipzig en 1880.