Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/19

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trouvé sa voie que du jour où, grâce à Bramante, revenue à la basilique et à la coupole, elle a renoué la chaîne des traditions. Un Bâlois, qui connaît Burckhardt, signale comme un des principaux traits de sa nature d’esprit sa préférence pour tout ce qui est roman et rond (seine Vorliebe für alles romanische und runde) : c’est bien, en effet, l’une des formes de l’esprit classique, une de celles, je l’ai remarqué plus haut, où il y a déjà un commencement de décadence.

J’arrive au Cicerone[1] et tout d’abord j’avoue être surpris du détachement dont l’auteur a fait preuve à l’égard de son œuvre. Dès qu’il l’eut publiée en 1855, il semble qu’elle n’ait plus existé pour lui. Il abandonna le soin des trois éditions qui ont suivi, d’abord à Albert de Zahn, puis à Wilhelm Bode. Et dans les premières pages de la Culture de la Renaissance, il exprime ses regrets de n’avoir pas écrit l’histoire de l’art, comme si le Cicerone n’était pas en réalité cette histoire même. Ou plutôt, le Cicerone contient davantage encore, et la modestie du titre ne doit pas faire illusion sur la haute valeur de l’ouvrage. Ce prétendu « Guide » est un livre d’une vraie originalité, fortement composé, dont l’exécution trahit, jusque dans les détails, une science maîtresse.

Il serait malaisé de définir d’un seul mot le Cicerone, qui est à la fois une topographie, une histoire, une critique des monuments de l’art antique et moderne en Italie. Je me ferai mieux comprendre en décrivant la méthode et le plan de l’auteur. Burckhardt, en vrai disciple de la Renaissance, considérait l’Italie comme un tout continu et, dans l’histoire de l’art de même que dans rémunération des œuvres, il ne séparait pas l’Italie antique de l’Italie moderne. La section du Cicerone qui était dédiée à l’architecture commençait aux temples de Pœstum pour finir aux villas napoli-

  1. La première édition du Cicerone a paru à Bâle en 1855, en sept volumes de petit format. La seconde et la troisième édition ont été publiées en 1869-1870 et en 1874, par A. de Zahn. La quatrième édition, avec des changements importants dans le plan et la distribution, a été publiée à Leipzig en 1879 par le docteur Wilhelm Bode, l’un des directeurs du Musée de Berlin. Une cinquième édition a paru en 1884, avec de nombreuses additions dues à M. Bode et à, quelques autres collaborateurs.