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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/190

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chez les deux fils est dissimulée par l’effroyable diagonale qui se trahit dans la figure de Laocoon ; le groupe apparaît absolument parfait, en tant que groupe, quand même il est destiné à n’être va que par devant. Le détail de l’exécution est ensuite l’objet de longues recherches et d’une admiration toujours nouvelle. Aussitôt que l’on commence à se rendre compte du pourquoi de chaque motif particulier, du degré de mélange de la douleur corporelle et morale, ou voit s’ouvrir, comment dirais-je ? des abîmes de sagesse artistique. Mais le point le plus élevé, c’est la lutte contre la douleur, que Winckelmann a reconnu le premier et a porté à la connaissance du public. La modération dans la douleur n’a pas seulement une base esthétique, mais une raison morale. (Voir aux additions.)

Le groupe le plus riche en figures de l’art antique est enfin celui du Taureau Farnèse, dans la salle du Musée de Naples [a] qui porte son nom (Galleria lapidaria) ; c’est une œuvre d’Apollonios et de Tauriskos de Tralles, qui appartenaient peut-être à l’école de Rhodes du iiie ou du ive siècle avant J.-C. Telle qu’elle se présente à nous, avec ses restaurations anciennes et modernes, on ne peut même pas être sûr des contours essentiels. D’après l’état actuel du groupe, le moment serait celui où la corde sortant des cheveux de Dircé est déjà nouée autour de la corne droite du taureau sauvage, et va l’être autour de la corne gauche, raison pour laquelle les deux jeunes gens (Zéthus et Amphion) retiennent l’animal par le front et par le mufle.

Parmi les détails primitifs, les parties conservées du corps des deux frères sont d’un travail achevé et plein de vie ; la moitié inférieure du corps de Dircé, avec la draperie tombante, jetée d’une manière grandiose, le céderait à peine aux bons fragments grecs du même genre. Même dans l’état actuel, on pourra nommer aux moins adroits et heureux la divergence des figures, le contraste entre les moments de l’effort et de la douleur, et l’amoncellement du tout sur des degrés de roc de différente hauteur. La base avec ses nombreux accessoires représente le sommet du Cithéron comme lieu de l’action. Cependant le tout s’adresse exclusivement aux sens. Nous apprenons par la mythologie que les deux frères se vengent de la méchante Dircé par amour filial ; mais l’œuvre d’art, qui ne nous montre qu’un acte brutal, ne nous l’apprend pas. Cet acte nous est représenté avec une énergie et une richesse de moyens que l’art aurait dû acquérir par de tout autres sujets, avant de pouvoir en abuser dans un travail de bravoure tel que celui-ci.


Nous devrions finir par le groupe universellement connu de Niobé, si précisément le rapprochement en groupe des figures qui le composent actuellement n’était pas une question discutée.

Dans l’ancienne Rome, il y avait devant ou dans le temple d’Apollon Sosianus un groupe, rapporté de la Grèce, qui représentait la mort des Niobides (on sait qu’ils périrent sous les flèches d’Apollon et de Diane),