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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/217

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ple, des objets de ce genre exécutés en style de temple, et qui ne forment pas la moindre partie de la collection ; les œuvres du style grec développé ont incomparablement plus d’importance.

Pour saisir le développement de ce genre de travail, il faut se figurer le cadre architectonique qu’il comporte. C’est la sculpture dans ses rapports avec les édifices qu’elle doit décorer et non dominer[1]. L’architecture extérieure des temples grecs, avec ses lignes accentuées, ses formes vigoureusement ombrées, appelait les hauts reliefs, qui laissaient saillir les formes humaines jusqu’aux trois quarts ; par contre, à l’intérieur de l’enceinte et dans la cella où la perspective était restreinte pour le spectateur, dont l’œil eût été blessé par la coupure de toute forme en saillie trop forte, le bas-relief prit naissance et place dans la pénombre générale. Naturellement, on ne peut demander de séparation marquée entre les deux genres, dans les œuvres postérieures où l’on n’a pas eu à considérer l’exposition architecturale.

Il existe une autre loi d’architecture pour le relief : on doit se borner, dans le moment de l’action représentée au plus petit nombre possible de figures frappantes et les faire ressortir par une distance convenable entre elles, ou par des contrastes bien nets. On ne doit admettre qu’une profondeur de cadre très restreinte, et n’effacer que modérément les personnages les uns derrière les autres. À l’époque romaine on croyait enrichir le relief par une quantité innombrable de figures, par l’adoption de plusieurs plans les uns derrière les autres, ce qui donna lieu à une infinité d’ouvrages qu’on ne peut contempler qu’aussi longtemps que rien de grec ne se trouve à côté.

Le lieu est tantôt sommairement indiqué, comme par le pilier d’une maison, le rideau d’une chambre ; tantôt symboliquement, comme par une nymphe qui personnifie l’eau, une divinité qui personnifie la montagne. Avant le XVe siècle, le relief ne donnait pas (à quelques exceptions près) une représentation développée de paysages ou de constructions en perspective. (La seconde porte de Ghiberti au baptistère de Florence ; la Scuola de Saint-Marc à Venise, avec les sculptures des Lombardi, etc )

Après de longs tâtonnements l’art grec trouva, entre le profil et la face, ce beau juste milieu qui, même dans les mouvements de profil les plus animés, savait montrer le corps dans son plein, et surtout développer le torse de la manière la plus avantageuse. Le groupe libre de fronton est le premier essai du bas-relief ; leurs progrès sont communs. La difficile question des raccourcis, qui ne pourra peut-être jamais être définitivement tranchée, fut résolue de manières très diverses, tantôt par la saillie des membres, tantôt par une flexion et une détente cachées. De grandes dégradations empêchent souvent de porter un jugement absolument sûr.

  1. Pour l’extrême de cet abus, voir la « décoration du baroque ».