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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/216

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ce dernier endroit, entre autres, un remarquable taureau à visage humain, œuvre d’apparence grecque. Là encore l’antique sculpture se montre dans les petits sujets, non pas en fabricatrice de jolies mièvreries, mais en artiste capable des plus grandes choses (v. p. 133 et suiv.).

Un certain nombre d’animaux ne pouvaient, eu égard à leur nature, être présentés, sous leur véritable aspect, que par la peinture ou tout au plus dans les bas-reliefs. Ce sont, en dehors des poissons, tous les êtres aquatiques fabuleux, animaux marins, panthères marines, boucs marins, griffons de mer, etc., qui accompagnent le cortège des tritons et des néréides ; les tritons eux-mêmes, comme on l’a remarqué plus haut (p. 123 et suiv.), sont formés d’un torse humain et d’une queue de poisson enroulée. Il ne reste plus qu’à répéter que les transitions d’une de ces parties organiques à l’autre sont si naïves et les rapports de ces parties entre elles si bien pondérés, que le spectateur, loin d’y trouver rien de monstrueux, commence à croire à la réalité de ces êtres.

Le dauphin, représenté très fréquemment en animal de fontaine et en accompagnateur de Vénus, est devenu entre les mains de l’art, en sa « qualité de poisson » le symbole universel des profondeurs humides, mobiles, et n’a pas même l’ombre de ressemblance avec le dauphin véritable[1]. Celui-ci est au nombre des poissons les plus difformes ; quiconque n’en a pas vu dans la Méditerranée, peut s’en convaincre, p. ex., dans la collection d’histoire naturelle de la Specola à Florence, dont les animaux, admirablement naturalisés, peuvent servir de points de comparaison décisifs à plusieurs questions de ce chapitre.


Faute de place, nous ne pouvons faire suivre cette étude sur les statues que d’un court aperçu sur les bas-reliefs principaux. En dehors de sa valeur mythologique inappréciable, le bas-relief est le chef-d’œuvre de l’art antique, et tout ce qui a été produit depuis n’a auprès de lui qu’une valeur purement conventionnelle. Si l’on ne peut trouver en Italie (à part les bas-reliefs siciliens) que les copies du genre supérieur, la frise et la métope des temps grecs, que possède le British Museum, on ne peut cependant les laisser passer inaperçues (à Rome, Musée du Palais de Latran [a] ; à Florence [b], en plusieurs endroits de l’Académie, etc.) ; les sculptures de frise romaines, même les meilleures, n’ont auprès d’elles qu’une valeur secondaire. Les Romains, par amour de l’art, ont rapporté de la Grèce, fait copier ou exécuter par des artistes grecs, à Rome et en Italie, un nombre considérable de petits ouvrages. Ce sont des tableaux, des autels ou des piédestaux ronds ou carrés, ou des fontaines de temples (appelées puteal en latin), des bases de trépieds, des vases de marbre, etc. Nous avons cité plus haut, à titre d’exem-

  1. Le dauphin qui enlace l’Éros du Musée de Naples (3e salle) [c] est l’une des rares absurdités de l’art antique.