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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/239

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Il faut accorder une attention toute particulière aux Vues de monuments et de paysages [a], dont il y a un grand nombre, tant ici (surtout dans les deux longs corridors et dans la salle 1, LXI, LXII, LXIII, LXV, LXVI, LXVII, encore salle 2, XLV ; et corridor de la salle 3, XLIV) qu’à Pompéi même, où l’on reconnaît encore quelle place elles occupaient dans la décoration des murs (p. 50). Les vues architecturales sont de précieuses copies non seulement des constructions de ce temps en général, mais spécialement de celles qui donnaient, au temps des Romains, son caractère à la côte depuis Cumes jusqu’à Sorrente ; il est vrai que nous avons là une gradation fantastique qui nous représente non seulement ce qui existait, mais encore ce que l’on eût aimé construire. Les villas s’avançant dans la mer, les superbes campagnes entourées de colonnades, des temples encore et des palais, mais surtout les bâtiments des ports richement décorés s’étalent complètement à nos yeux avec une perspective supposée élevée. Ces vues ont pour principal objet l’expression de la richesse architecturale. À Rome [b] encore, il y a d’intéressantes vues d’architecture dans les fouilles françaises sur le Palatin (dans la maison ancestrale de Tibère (voy. plus haut, p. 183, C).

Il en est tout autrement des paysages. Ils réunissent beaucoup d’objets avec une perspective prise de haut, gous un horizon élevé, et n’annoncent encore en rien le système linéaire du paysage moderne. Certains d’entre eux ne sont qu’un assemblage bariolé d’objets agréables à la vue ou étranges : petites chapelles, pavillons, étangs avec des colonnades, monuments avec des trophées, hermès, murs demi-circulaires, ponts, etc., entremêlés d’arbres sur un sol inégal ; la représentation de jardins avec des verdures et des fontaines symétriques appartient même encore essentiellement au domaine des images architecturales. Dans les meilleurs paysages, par contre, l’artiste cherche manifestement à atteindre un caractère idyllique, un sentiment tout particulier qui, en attendant, ne manque que de moyens plus efficaces pour s’exprimer. Autour d’un petit sanctuaire solitaire de nymphes ou de la déesse de Paphos, l’on voit des bergers et des troupeaux ou un sacrifice champêtre à l’ombre d’oliviers ; parfois même des personnages, des mythes grecs donnent de la vie au paysage rocheux, p. ex., salle 1, LXV, Persée et Andromède [c], Phrixus [d]. À ce dernier genre appartiennent, entre autres, les scènes de l’Odyssée qui ont été trouvées à Rome et sont exposées maintenant dans les chambres de la Bibliothèque Vaticane [e], où se trouvent aussi les Noces Aldobrandines. L’impression est analogue à celle que nous laissent les poètes bucoliques, et il ne serait pas impossible qu’ils eussent inspiré le peintre.

La subordination de ce genre au but général de la décoration se trahit dans la nécessité subie des couleurs. Car quelques paysages sont peints brun sur brun, vert sur vert, parfois même avec un contraste hardi en blanc vardâtre sur une paroi rouge. Il n’y a pas encore de ca-