Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blement. La pression puissante de celui-ci pèse sur le faîte et lui donne la forme d’un bourrelet (ove, echinus) qui est le chapiteau. Son profil est, dans chaque temple dorique, le plus important à considérer pour mesurer les forces, c’est ce qui donne, pour ainsi dire, le ton à l’ensemble. Il est entouré, au-dessous, de trois anneaux comme si, au faîte de la colonne, un épiderme léger se détachait et se déplaçait. Un peu plus bas, sur la colonne même, trois ramures en cercle y correspondent, et font pendant. — Un plateau rectangulaire isole la colonne de l’entablement.

En plusieurs places de ce temple, les colonnes semblent reposer sur des socles quadrangulaires, mais c’est seulement parce qu’on enlevé les pierres qui les séparaient. La colonne dorique, force qui nait de la terre même, n’a pas besoin de base ; elle s’élève immédiatement de la dernière marche du temple.

Vient ensuite une bande de pierres de taille, ici très fortes ; c’est l’architrave. Elles sont tout unies et sans ornements. Ce sont les solives qui se prolongent sur les colonnes. Mais le mouvement se continue dans la partie suivante qui est la frise. L’extrémité des traverses qui viennent de l’intérieur est échancrée deux fois au milieu, et de chaque côté perpendiculairement, et forme les triglyphes. Les vides qui séparent les triglyphes (métopes) sont comblés par des pierres plates qui, sans doute, étaient ornées de peintures ou de reliefs. Nous ne savons pas exactement si ce temple a jamais été achevé. Dans l’architrave, à chaque triglyphe correspond un mince cordon de pierre auquel sont suspendues six gouttes, selon le terme consacré.

Une corniche, particulièrement saillante dans le temple de Pæstum, surmonte le tout. On y reconnaît en dessous une reproduction idéale des chevrons obliques, dont chacun présente trois rangs de clous ou gouttes disposés par six. Aux deux façades principales du temple s’élèvent en saillie les frontons, qui maintenant sont dégarnis, et ont peut-être toujours attendu ces groupes de statues qui ornaient autrefois les temples attiques. Ces frontons n’en charment pas moins le regard par les proportions de grandeur les plus belles et les mieux adaptées à cet édifice. En effet, l’angle obtus du fronton est la résultante finale de ce calcul tout idéal entre les forces et les masses ; il indique avec précision combien il est resté de force de tension.

Un grand nombre d’articulations plus délicates, que l’on retrouve dans les monuments doriques d’Athènes, manquent ici, soit qu’elles n’aient jamais existé, soit que le temps les ait détruites. L’impression de sévérité et de puissance en est encore accrue.

À l’intérieur manque presque tout le mur qui formait l’édifice oblong, la cella ou le sanctuaire du dieu. Il est probable que ces pierres de taille tout unies ont donné aux Normands, bâtisseurs d’églises, la tentation de les enlever. Cependant le portique intérieur est conservé : deux colonnes entre deux piliers d’encoignure. Ces derniers ont été traités comme