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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/59

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d’une base formée de deux doubles bourrelets, l’un plus large et l’autre plus étroit, où la vie intérieure se trahit par un profil richement ombré. (Dans les ruines romaines, il est tantôt uni, tantôt revêtu d’ornements riches, mais sans rapport avec le style ionique.) Le fût est plus élancé et moins aminci que celui de la colonne dorique ; son renflement mesure la force de la colonne aussi exactement que dans le dorique. Les cannelures n’occupent pas toute la surface du fût, mais elles laissent entre elles d’étroits filets pour exprimer que la colonne ionique n’a pas tant d’effort à faire que la dorique. (Dans les ruines romaines d’ordre ionique, comme de tous les ordres, les cannelures manquent souvent ; c’est même ici la règle, et bien à tort, car les cannelures ne sont pas un ornement, mais l’expression essentielle du mouvement, et préparent naturellement à la structure vivante du chapiteau et de la corniche.) Le chapiteau ionique, d’une beauté et d’une vie indescriptibles dans les antiques monuments d’Athènes, repose sur un col orné et garni d’une ove ; ensuite s’élève un membre supérieur, qui semble formé d’une matière tendre, idéalement souple, c’est pour ainsi dire la fleur de l’ove même, et il retombe des deux côtés en volutes richement ondulées qui, vues par devant, se déroulent en deux magnifiques spirales. L’abaque, qui, dans un ordre sévère, tel que le dorique, étoufferait cette vie intense, joue seulement le rôle d’une partie intermédiaire, animée et décorée, qu’on insère entre le chapiteau et l’entablement. [Dans les ruines romaines, le col et l’ove sont massifs et modérément ornés ; les volutes sont couvertes sur les côtés de feuilles disposées en forme d’écaillés ; leurs spirales sont d’une courbe mathématique et sans mouvement ; l’abaque est orné jusqu’à, l’exoèa[1].] L’entablement est léger et sa structure est en rapport avec la colonne, l’architrave est partagée en trois bandes qui font saillie les unes sur les autres ; la frise disposée, sans interruption de triglyphes, pour une suite continue de reliefs (d’où le nom de zoophoros, — orné de figures d’animaux, donné à la frise ionique), toutes les parties intermédiaires et toutes celles de la corniche supérieure sont délicates et riches. [Dans les ruines romaines elles sont également riches, mais sans vie[2].]


Enfin l’art grec a encore créé le chapiteau corinthien. Dans les édifices de la Grèce même, nous ne pouvons l’étudier qu’à son origine, qui, à vrai dire, promettait quelque chose de plus grand que ce qu’il est devenu plus

  1. On rencontre à Rome, par exemple, dans la moderne et mauvaise restauration du Temple de Saturne, et dans bien des édifices de Pompéi, un chapiteau ionique qui, au lieu des volutes retombant des deux côtés, a des volutes qui descendent aux quatre coins ; c’est là certainement une création d’un style inférieur et qui n’est pas précisément heureuse.
  2. Comme il reste trop peu d’édifices romains ioniques, nous jugeons ici d’après des fragments qui pourraient bien provenir aussi d’édifices corinthiens ; mais pour les Romains ces deux ordres étaient semblables, à l’exception du chapiteau.