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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/66

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et les bandes sont remplacées par un membre architectural qui n’exprime rien. Il en est ainsi au Quartier des soldats (Caserne des gladiateurs) [a] et sur les plus anciennes colonnes du grand Forum [b] ; les plus récentes ont un ove de forme ondulée et sans expression. Le portique qui entoure la cour du Temple de Vénus [c] était également d’un style dorique inférieur (il avait à l’origine un entablement dorique, mais avec des colonnes pseudo-ioniques à quatre volutes), comme le montrent les endroits d’où s’est détaché un revêtement de stuc appliqué plus tard. (Les conduites pour l’eau de pluie disposées sur le sol à quatre pieds en avant de l’édifice montrent assez combien le toit était en saillie.) Un monument dorique de l’époque romaine existe encore à Solunte, près de Palerme [d].

Plus tard Rome, dans son penchant pour l’ornementation somptueuse, renonça entièrement au dorique pour les temples et ne le conserva que pour décorer le rez-de-chaussée des monuments à plusieurs étages, tels que les théâtres. Il reparaît ici bien plus défiguré, surtout par sa fusion équivoque avec l’ordre appelé toscan, dont il n’est plus de monuments originaux. Il perd ses cannelures, gagne au-dessous une base, et au-dessus (près de l’ove grossièrement scultpté) un col qui porte quelquefois des ornements. L’entablement aussi est plus ou moins arbitraire.


De l’ordre ionique-romain nous possédons encore, un bon et ancien modèle, mais très défiguré par le temps et les restaurations modernes : c’est le Temple de la Fortune virile à Rome [e]. Les volutes, ornées de feuilles sur les côtés, ont déjà des enroulements sans vie et sans souplesse ; en revanche la frise montre des guirlandes de feuillage encore gracieuses, et la corniche ses têtes de lion. Le petit Temple de la Sibylle à Tivoli [f] a toujours son portique à quatre colonnes. Le Temple déjà cité de Saturne (autrefois de Vespasien), à l’entrée du Forum [g], a été doté, au troisième ou quatrième siècle, par une restauration malheureuse, de ce chapiteau ionien bâtard que nous avons décrit plus haut (p. 8, note). Ses colonnes de granit, qai n’avaient jamais été cannelées, ont été reconstruites par un raccord de leurs parties fait sans égard au style. Au moins, parmi les monuments de Pompéi, la colonnade intérieure du temple de Jupiter est de style ionique passable ; dans les autres edifices de cette ville le style bâtard domine presque sans partage.

Les plus beaux temples ioniques-romains ne survivent guère que dans les collections de fragments enlevés de leur place. On ne trouvera nulle part une réunion de chapiteaux ioniens aussi bien choisis que ceux des colonnes de S. Maria in Trastevere[h] ; quelques-uns ont encore un mouvement presque grec ; d’autres intéressent par de riches ornements, par des figures qui se dégagent des volutes et de l’abaque. On ne peut constater avec certitude si le grand nombre de consoles antiques qui ont été appliquées à l’entablement de cette église proviennent des mêmes édi-