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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/67

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fices. Un beau chapiteau ionique-romain et d’autres fragments se trouvent dans la grande salle du Palais Farnese [a] ; et une collection entière, avec un beau socle provenant de la basilique Julia, dans la seconde salle du Palais de Latran [b]. Parmi les meilleurs chapiteaux ioniques bâtards à quatre volutes, il faut compter ceux de S. Maria in Cosmedin [c], sur le mur à gauche.


L’ordre corinthien est de beaucoup le plus employé dans la construction des temples romains et même dans l’architecture romaine en général. Bien rarement ses formes apparaissent dans toute leur pureté ; bien souvent, en revanche, il faut admirer l’habileté décorative des Romains, qui surent lui imposer, surtout au chapiteau, un ornement après l’autre, jusqu’à ce qu’enfin il y eut surabondance. Ils interrompirent la suite des feuilles sur le chapiteau par des animaux, des trophées, des figures humaines, enfin des scènes entières comme dans le style roman au moyen âge. On peut voir un chapiteau de ce genre, orné de scènes figuréee, au Giardina della Pigna au Vatican [d]. Ils transformèrent aussi les dernières lignes unies de l’entablement en rangées de feuilles (Thermes de Dioclétien, aujourd’hui S. Maria degli Angeli à Rome) [e]. Le résultat fut une lassitude définitive et tout à coup une grossièreté envahissante.

Le plus beau modèle de style corinthien est sans contredit le Panthéon à Rome [f], édifice en même temps unique, de sorte qu’il nous faut en parler dès maintenant. Commencé par Agrippa qui voulait en faire la grande salle de ses thermes, peut-être achevé dans la suite par lui-même comme temple, et augmenté duen portique, il conserve, après toutes les restaurations et tous les pillages, l’essence de son effet extraordinaire, mais non sans avoir beaucoup perdu. Nous ne rappellerons ici que les détails qui peuvent donner une idée claire de l’effet primitif.

Qu’on se représente d’abord la place, — aujourd’hui très en pente, — beaucoup plus profonde et aplanie, car cinq degrés conduisaient autrefois un portique. L’œil aperçoit alors les vraies proportions du fronton, qui semble aujourd’hui un peu élevé et raide. Qu’on le garnisse avec un groupe ou au moins avec un grand relief, sculptures que jadis l’Athénien Diogène exécuta dans ce but. (Les puissantes colonnes de granit sont pour la plupart intactes à cause de leur matière ; par malheur, à l’époque d’Auguste même), on n’osait guère travailler cette sorte de pierre ; on laissa, par respect pour la matière, les colonnes sans cannelures, tandis que les pilastres de marbre recevaient sept cannelures de chaque côté.) Ensuite il faut se décider à restaurer par la pensée les chapiteaux généralement plus ou moins dépouillés de leur feuillage ; ils appartiennent à ce que l’art a créé de plus beau en ce genre[1].

  1. L’orgueil de Bernini ne se montre que trop clairement dans les chapiteaux des trois colonnes du côté est, qu’il a restaurée dans le goût emphatique qui était le sien et celui de son temps, au lieu de se guider sur les modèles voisins.