Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les murs des sanctuaires, qui servent aujourd’hui de musée, sont si bien conservés, qu’à l’œil charmé revit l’ancien aspect de l’ensemble si admirablement pittoresque.


Depuis la disparition du temple de vieux style dorique appelé autrefois Temple d’Hercule et attribué de nos jours par Nissen à Vénus Pompéienne, aucun temple de Pompéi ne s’é)ève au-dessus de l’ordinaire ; leurs colonnes, faites en partie de briques revêtues de stuc, nous sont parvenues dans un tel état de dégradation, qu’on doute en bien des cas de l’ordre même auquel elles appartiennent, Le Temple de Jupiter [a] sur le Forum a encore des restes de son portique corinthien, outre le portique intérieur de style ionien, que nous avons déjà mentionné. Mais le tuf dont il est construit n’a pas permis ce modelé libre et vivant qu’exige le chapiteau corinthien, cet enfant chéri du marbre blanc. Pompéi donne à cet égard, comme à bien d’autres, des éclaircissements importants sur la manière dont les anciens savaient, avec les plus simples moyens, produire un effet heureux. En tout cas, l’œil doit ici, contre toute attente, compléter bien des choses, car les entablements, dont la plus grande partie était peut-être en bois, n’existent plus, et les colonnes sont à demi ou entièrement ruinées ; cependant on éprouve une grande jouissance artistique à la seule pensée de l’effet général que produisaient les temples, avec leurs cours, leurs portiques et les niches de leurs murs (tels que le Temple de Cérès [b], appelé habituellement temple de Vénus ; le Temple d’Isis [c] et du Génie d’Auguste, ce dernier appelé temple de Mercure on de Romulus). On peut s’assurer exactement de la distance à laquelle l’architecte voulait qu’on regardât son temple, et combien il attachait d’importance au charme de la perspective, qui est observée ici dans de moindres proportions que dans bien des habitations particulières. Malheureusement, il ne reste pas trace de portique au beau Temple de la Fortune [d], qui s’élève immédiatement au détour d’une rue, et n’a pas de cour. On ne voit dans toutes ces constructions que peu de pierre et presque pas de marbre, mais la maçonnerie de brique [1] est généralement parfaite, et l’épais mortier qui la recouvre ainsi que le stuc sont à rendre jaloux tout homme du métier, même de nos jours. Les formes accusent souvent, par exemple au Temple d’Isis [e], la décadence et la bizarrerie, mais plutôt dans les détails que dans les lignes essentielles. Quant aux portiques qui entouraient les cours des temples, et en général les endroits où l’on se rassemblait, il ne faut pas oublier qu’il était nécessaire de ménager entre les colonnes un espace plus large que ne l’eût comporté le portique du temple même. Il est probable que les Grecs eux-mêmes avaient

  1. Cet opus reticulatum, d’aspect si joli, qui se rencontre partout ict et dans d’autres édifices romains. se compose de moellons quadrangulaires (lave et tuf à Pompéi ; brique quelquefois à Rome), étagés l’un sur I’autre en diagonale. Il fut dans la suite revêtu généralement de mortier.