Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donné cet exemple intelligent. Se rendre esclaves de proportions architecturales consacrées une fois pour toutes, cela n’est guère conforme à leur esprit.

Il nous reste, par une faveur du hasard, deux temples circulaires relativement bien conservés, entourés d’un portique corinthien, et où se manifeste encore tout le charme de cette forme d’architecture ravissante. C’est de la bonne époque, peut-être de la république, que date le Temple de Vesta à Tivoli. Il présente encore et la plupart de ses colonnes cannelées, et la belle toiture de la galerie circulaire avec ses caissons, et la plus grande partie de l’entablement avec la frise ornée. Le Temple de Vesta [e] appelé, d’après une autre opinion, temple de Cybèle ou d’Hercule Victorieux (aujourd’hui S. Maria del Sole ou S. Stefano delle carozze), et situé sur la Piazza della Bocca della Verità à Rome, possède encore, sauf une seule, ses vingt colonnes élancées qui se touchent presque. Mais en revanche tout l’entablement est détruit ; de la base, avec ses quatre degrés, on voit encore quelques débris. À en juger d’après les chapiteaux, l’édifice appartient à la fin du deuxième siècle ; le bord de la corbeille ne dépasse pas le bord de l’abaque qui est assez épais, et le modelé des feuilles a déjà quelque chose d’une décoration sans vie. Les fenêtres de côté s’expliquent peut-être par la petitesse des deux édifices, dans lesquels, sous une coupole ouverte, rien n’eut été protégé contre les intempéries ; ces fenêtres n’en sont pas moins d’un effet singulier. Du Temple circulaire de Serapis à Pouzzoles [c], avec son portique en quadrilatère, il ne reste que les trois colonnes dont le faîte, rongé par les oursins, a causé à l’érudition napolitaine tant de cassement de tête. Aux temples circulaires de très petites dimensions conviendrait mieux la grâce de l’ordre ionique que l’ordre corinthien, dont la chapiteau exige des proportions assez grandes quand on veut exprimer clairement son caractère intime[1]. Ainsi le petit temple dont il reste quatre fragments de colonne dans la cour du cloître de S. Niccolo a’ Cesarini, à Rome [d], paraît avoir été d’ordre ionique. L’édifice appelé Puteal [e], et signalé récemment comme un sanctuaire de Vesta, près des ruines du vieux temple dorique de Pompéi, était d’ordre dorique. Des imitattons modernes, telles que les deux petits temples circulaires sans la celle qu’on voit à la Villa Borghese [f], ne donnent qu’une idée très insuffisante de la grâce des antiques monuments de ce genre, même quand ils sont faits, comme les petits temples en question, de fragments antiques que. l’on a raccordés. Nous ne saurions citer aucun temple d’ordre com-

  1. Cependant la bonne époque grecque avait laissé un chapiteau corinthien très simple qui convenait très bien à ces constructions de petit modèle. Il a seulement quatre feuilles qui supportent aussi les volutes des coins. Entre elles, au-dessous, sont placés des oves ; au-dessus, à la corbeille, des palmettes. À S. Niccolò in Carcere à Rome [g] ont été sauvées de la destruction cinq colonnes munies d’un semblable chapiteau, et provenant de l’un des temples dont les débris ont servi de matériaux à cette église.