Aller au contenu

Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siècle à un édifice du deuxième siècle, pour être érigée en monument. La Colonne rostrale de Duilius [a], qui est actuellement dans la galerie inférieure du Palais des Conservateurs au Capitole, a été restaurée ad libitum au seizième siècle, par intérêt pour son inscription antique.


Il faut encore parler ici des obélisques, bien que dans l'ancienne Rome ils ne fussent pas érigés en monuments isolés, destination qui leur convient fort peu ; mais ils étaient bien plutôt un motif principal de décoration pour les édifices. Ils veillaient à l'entrée du mausolée d'Auguste ; ils s'élevaient au milieu du mur (spina) qui partageait les cirques dans leur longueur ; un obélisque aussi, entouré certainement d'attributs appropriés, projetait son ombre sur le champ de Mars en manière de cadran solaire. Les Romains leur donnaient probablement déjà comme soutien des piédestaux à lignes verticales, tandis que dans l'ancienne Égypte le grand effet que produisait leur forme résultait sans aucun doute de ce qu'ils étaient d'un seul bloc, et de ce que la ligne oblique de leurs côtés se prolongeait jusqu'à terre. Mais leur rôle essentiel, à Rome comme dans l'ancienne Égypte, était d'accompagner un édifice monumental. On s'étonne parfois bien à tort qu'un obélisque, fait de centaines de pierres juxtaposées, isolé au milieu d'une grande place carrée, dans une capitale moderne, ne paraisse, malgré toute sa hauteur et tous ses ornements, que la plus parfaite expression de l'ennui[1].


Outre ces deux colonnes en spirale, les arcs de triomphe sont de beaucoup les plus importants des monuments impériaux ; c'est une forme purement italique, étrusque même, de l'architecture décorative ; elle nous révèle le sens ornemental des Romains plus nettement que la plupart des autres édifices qu'ils nous ont laissés. La porte, unique ou triple, était revêtue d'ornements architecturaux et sculpturaux qui, sans doute, ne sont pas essentiels au monument, mais lui font un entourage brillant. Du reste, cette forme durera toujours.

Dans ce genre, les provinces n'ont guère que des monuments plus simples qui, il est vrai, sont les premiers en date. Tels sont les Arcs d’Auguste à Aoste [b] et à Suse [c]. Quant à l'arc de Fano [d], on peut discuter si c'était un arc de triomphe ou une porte de la ville ; la partie supérieure, qui n'existe plus, et qui portait une inscription consécratrice de Constantin, nous est seulement connue par le relief encadré dans un

  1. À cette occasion, on peut demander qui a renversé les obélisques, et n'a laissé debout que celui de Saint-Pierre sur sa spina, dans le voisinage de son emplacement actuel ? Ce n'étaient ni des tremblements de terre, ni le fanatisme, car ces causes auraient pu renverser beaucoup d’autres monuments qui sont encore debout. J'attribue ces dégradations aux puissants chercheurs de trésors cachés, qu’on a vus dans tes temps les plus sombres du moyen âge, vers le dixième siècle, et je rappelle les dégradations affreuses et les entailles faites dans ce but, presque toujours et partout, à la base des obélisques qu'on a dû attaquer par le feu et par tous les instruments possibles (?). Celui de Saint-Pierre a dû être sauvé par le voisinage du sanctuaire ou en raison du nombre des désillusions antérieures.