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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 1re partie, trad. Gérard, 1885.djvu/95

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Les maisons, villas et palais romains offrent déjà dans leur plan un contraste parfait avec les habitations modernes. Ces dernières aussitôt qu’elles revêtent un caractère monumental, se rapprochent du château, qui était au moyen âge la demeure de l’aristocratie, et ne s’est transformé que peu à peu (Florence, par exemple, le prouve) en palais dans le goût moderne, c’est-à-dire toujours en édifice orné à plusieurs étages ; forme que l’on a conservée sans aucune nécessité même pour les maisons de campagne actuelles. Ce qui caractérise tout l’édifice, c’est la façade. Chez les anciens, elle n’était qu’un accessoire ; à Pompéi, [a], des édifices tels que la Casa del Fauno, par exemple, n’ont à l’extérieur que des murs tout unis ou même contiennent des boutiques ; quant aux habitations des grands à Rome même, on peut au moins supposer que la décoration de la façade et du vestibule n’avait qu’une importance modeste auprès de la magnificence de l’intérieur. Puis, chez les anciens,, un bâtiment à plusieurs étages n’était, en règle générale, qu’un effet de la nécessité, dont on s’accommodait dans les grandes villes, mais que l’on évitait partout où c’était possible. Ceux qui avaient de l’espace, ou qui bâtissaient à la campagne, disposaient les pièces en rez-de-chaussée environnant des cours et des portiques ; il y avait au plus un seul étage, qui ne contenait guère que de petites chambres et ne surmontait que certaines parties de l’habitation. Pline le Jeune, dans la description de sa villa de Laurente, donne à cet égard des détails complets. Les terrains inégaux servaient en tout cas aux constructions à plusieurs étages, comme le prouvent les palais impériaux sur le Palatin [b] et la Villa de Diomède à Pompéi [c] ; le charme et la beauté de tels édifices ne résidaient sans doute pas dans une grande façade d’ensemble, mais dans la construction en terrasse qui dispose les étages supérieurs en retraite sur les étages inférieurs. Les anciens avaient plus à cœur que nous de jouir de l’air et du soleil ; ils n’aimaient ni les escaliers ni la vue sur la rue, qui nous semble offrir un si grand avantage.

La découverte de chaque pièce et de sa destination appartient à l’archéologie ; nous n’avons à constater que l’effet artistique des bâtiments conservés. La façade, à Pompéi, était, nous l’avons dit, sacrifiée aux boutiques. Mais à l’intérieur règne une richesse de perspectives qui cause à chaque visite dans la ville une jouissance nouvelle, inépuisable. En tout cas, il ne reste plus rien des anciens entablements en bois surmontant les portiques à colonnes ou à piliers qui entouraient les deux cours, l’atrium et le péristyle ; pour cette même raison, aucune porte intermédiaire, aucun rideau n’arrête le regard. Les tons des colonnes de stuc, loin de paraître bigarrés, sont en harmonie parfaite avec les figures ainsi qu’avec les motifs d’architecture peints sur les murs, dont il sera question dans des chapitres spéciaux (voir p. 49 et suiv., et Peinture antique). Que l’on songe en outre aux nombreuses sculptures, aux petites chapelles domestiques, aux fontaines dans la cour-jardin du péri-