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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 2e partie, trad. Gérard, 1892.djvu/153

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ARCHITECTURE CHRÉTIENNE.

qui des différentes parties d’un édifice doit faire un ensemble harmonieux. L’emploi de matériaux antiques auquel on avait fini par s’habituer permettait aux architectes qui vinrent ensuite de ne pas se mettre en frais d’imagination, et c’est ainsi que la forme des églises resta stationnaire jusqu’au XIIIe siècle, pendant que dans la haute Italie et dans le Nord il y avait longtemps déjà qu’on suivait des principes d’architecture nouveaux et décisifs et que le nombre des colonnes et autres ornements antiques dont on pouvait user diminuait de la manière la plus sensible. Le seul changement essentiel effectué durant une période si longue consiste en une proportion plus forte entre l’élévation et la largeur dans les basiliques romaines postérieures à l’an mille. Rome laissait l’étranger tirer les conséquences de la grande idée propre à l’art chrétien : la perspective longitudinale. Après une série de transformations que l’histoire de l’art signale, d’abord d’un siècle à l’autre, ensuite d’une dizaine d’années à l’autre, de la basilique sortira un jour la cathédrale de Cologne.

Bien qu’elle manque de toute originalité, bien qu’elle emploie les débris antiques, dans un sens tout à fait contraire à leur destination, cette architecture cependant présente encore des motifs, des contrastes grandioses et simples. La colossale abside en demi-cercle qui clôt la masse carrée de l’ensemble et la longue nef droite du milieu, produit un effet que nul édifice antique peut-être n’atteint. Il n’y a que les basiliques d’ailleurs qui nous fassent connaître le prix des grandes colonnades antiques, qui, presque toutes, ont été livrées à cette destination ou à une semblable. Qui a vu S. Paul avant l’incendie, avec ses quatre rangées de vingt colonnes de marbre phrygien et numide, assure qu’il n’y a pas au monde un pareil portail d’architecture.

Ce qui ajoute encore à l’effet des dimensions, c’est que toutes les décorations à l’intérieur ; l’autel avec le tabernacle, les chaires, les lutrins, etc., sont de proportions assez petites, c’est-à-dire ne dépassant pas la grandeur nécessaire. La décoration du temps du baroque croyait devoir rechercher une proportion avec la grandeur de l’édifice, tandis que le seul rapport naturel à trouver est la taille de l’homme qui s’en sert, monte sur la chaire, etc. Le tabernacle monstre du Bernin à Saint-Pierre, les chaires gigantesques de la cathédrale de Milan et d’autres erreurs de ce genre ne sauteront que trop aux yeux du voyageur.


Parmi les basiliques de Rome nous n’énumérons ici que celles où le style originel est encore reconnaissable et dominant.

Saint-Paul [A] (IVe siècle), avec ses colonnes actuelles en granit du Simplon et ses proportions colossales, donnera toujours l’impression la plus exacte d’une basilique du premier ordre, malgré le trouble qu’y a apporté l’anachronisme d’une décoration toute moderne. Les proportions colossales y sont d’un effet vraiment unique. L’édifice paraît même plus grand qu’il n’est réellement. La simplicité des moyens (supports verti-