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ŒUVRES DÉCORATIVES, AUTELS, ETC.

gulièrement gagné en importance. À l’exception de quelques œuvres magnifiques de l’époque gothique, telles que les tombeaux des Scaliger à Vérone, les tombeau des rois Robert et Ladislas à Naples, le tabernacle d’autel d’Orcagna à Florence, la Renaissance a déjà la supériorité en tout ce qui est richesse extérieure. Il suffit de comparer, à Venise, les tombeaux gothiques des doges avec ceux du XVe siècle. Le contraste est encore plus saisissant à Florence. En général, d’ailleurs, le goût de l’ornementation avait fait de grands progrès, comme en témoigne déjà la peinture.

Les remarques les plus importantes à faire au sujet des monuments en question peuvent se résumer ainsi qu’il suit :

On trouve encore (bien qu’en moins grand nombre) les autels isolés, avec tabernacles portant sur colonnes. — C’est surtout l’autel adossé sculpté qui prend un grand développement. En bas, sur le devant de la table, il se revêt de reliefs, — en haut, sur le retable, il se revêt encore de reliefs ou de statues, le tout dans un riche encadrement architectonique. Parfois toute la muraille est pratiquée en forme de niche magnifique, avec sculptures et ornements de toute espèce. — Les clôtures en pierre et les balustrades du chœur, etc., reçoivent souvent une décoration magnifique. — Il en est de même maintes fois pour les ambons des chantres et les jubés d’orgue, où se déploie un grand luxe. — La chaire, en revanche, perd son architecture complexe de colonnes ; désormais elle pose sur une seule colonne, ou elle est suspendue à un pilier de la grande nef. Mais on y met toujours la plus riche parure de décorations et de figures. — Les pavés en mosaïque (quand on les emploie encore, ce qui est rare) reproduisent l’ornementation connue de la première époque chrétienne, et du style des Cosmates. Les tableaux figurés en marbre de différentes couleurs dans les cathédrales de Sienne et de Lucques, sont un genre à part. Il y a quelques ravissants exemplaires de pavés en faïence. En général, cependant, on ne recherchait plus ce luxe dans la décoration du sol, rient l’éclat excessif eût distrait l’attention due aux formes architecturales. Les grands architectes avaient le sentiment qu’une simple alternance de surfaces, en dalles de marbre de deux ou trois couleurs, était mieux en harmonie avec l’ensemble de l’édifice. — Les tombeaux, par contre, forment une classe de monuments où était prodigué un luxe extraordinaire, qui aujourd’hui encore nous étonne. En regard du tombeau gothique italien, si maniéré, le tombeau de la Renaissance est à tous egards en progrès. L’ancien sarcophage reposant sur colonnes ou cariatides, avec la statue trop haut placée pour être vue, le tabernacle sur colonnes avec tableau dans l’ombre, statuettes mises aussi trop haut, anges tirant le rideau, etc., — tout cela a été modifie avec un sens plus net de la beauté, de l’ordre, des proportions. L’ensemble désormais se compose généralement d’une niche, de profondeur moyenne, avec le sarcophage dans le bas ; sur le sarcophage même, ou sur un lit de parade,