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ŒUVRES DÉCORATIVES EN BOIS.

Orvieto encore, dans l’Opera, le jubé, avec des modèles géométriques très riches, et un grand Couronnement de la Vierge, en marqueterie, qui était sans doute le dossier d’un siège épiscopal. — Mais, au temps de la Renaissance, la décoration s’est jetée avec empressement sur ce genre, pour rattraper en quelque mesure le temps perdu. Les stalles du chœur, les pupitres de lecture, de certaines églises ou chapelles, comme l’édifices profanes, les jubés d’orgue, et les armoires décorant les murs des sacristies de ce temps, atteignent ce qu’il y a de plus parfait dans le genre ; et un certain nombre servirent à jamais de modèles classiques.

La sculpture sur bois, en tant qu’annexe de l’architecture, a naturellement subi les mêmes influences d’écoles et de personnes. Cependant, pour plus de clarté, nous grouperons ici par villes les œuvres les plus importantes en ce genre. À part tout ce qui est architecture, comme supports, corniches, etc., la sculpture sur bois se meut entre deux procédés : le relief sculpté (depuis le relief le plus bas jusqu’au relief fouillé et la ronde bosse), et le placage à surface plane (incrustation, marqueterie) ; lesquels apparaissent, selon les cas, séparés ou réunies. Pour la representation des figures, c’est l’incrustation qui est préférée, sens être uniquement employée. La dorure partielle n’apparaît que plus tard ; mais, avec le temps, elle devient de plus en plus fréquente. L’imitation de l’incrustation par la peinture ne se présente que dans quelques cas isolés.

Des moines et des artisans lombards sont souvent désignés comme les auteurs de ses travaux, parfois si admirables. Pourtant on hésite souvent à leur attribuer le mérite de l’invention. On croit faire honneur à l’œuvre en disant qu’elle a été exécutée « d’après les dessins de Raphaël, etc. ». C’est la même erreur qui a été commise dans l’appréciation des vases grecs, des peintures de Pompéi, et de même pour bien des points de l’histoire de l’art. On méconnaît la puissance d’invention artistique qui, à certaines époques saines et privilégiées, est répandue dans tout un peuple. — Il est vrai que dans certains cas on ne saurait mettre en doute la collaboration de grands artistes.

La sculpture sur bois se maintient jusque vers le milieu du XVIe siècle dans des formes assez pures. Puis, à la longue, par sympathie, elle partage les destinées inévitables de l’architecture. Lorsque celle-ci commence ouvertement à sacrifier le détail, et à ne prendre pour but que l’effet extérieur, la sculpture sur bois tombe dans le baroque, d’abord ; puis, à force de vouloir respecter l’harmonie des lignes architecturales, dans l’absence de relief et la pauvreté. Il y a cependant, même au XVIIe siècle, d’excellents travaux en ce genre ; et au XVIIIe, le rococo insuffle un instant à la sculpture de stalles et d’armoires une nouvelle vie, qui, il est vrai, n’a pas trouvé en Italie sa complète expression.


Florence, sans être la ville où se trouvent les plus beaux exemplaires de ce genre de décoration, offre pourtant une série de nobles travaux où