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Page:Burckhardt - Le Cicerone, 2e partie, trad. Gérard, 1892.djvu/655

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PEINTURE DU MOYEN ÂGE.

À Rome se produit, vers cette époque, un mouvement original et important qui nous permet de croire que l’histoire de l’art y aurait eu un autre cours sans la catastrophe qui pour soixante-dix ans transporta le Saint-Siège sur les bords du Rhône. Entre 1237 et 1295, le moine Jacobus Torriti exécuta (ou ne fit peut-être que restaurer) les grandes mosaïques des absides du Latran [a] et de S. Maria Maggiore [b]. La première est encore uniforme et d’une ordonnance éparse ; mais l’expression de la prière et de la ferveur enthousiaste y a déjà un grand caractère. Le seconde est une des plus grandes œuvres qui précèdent l’art de Giotto, surtout le groupe du milieu, avec un fond bleu et des étoiles d’or : la Vierge couronnée par le Christ lève les mains dans une attitude où il y a à le fois de la prière et somme la modestie d’un refus. À la beauté et à la souplesse des formes se joint encore, surtout chez les anges, qui rappellent Cimabue, une expression de grâce vraiment divine ; l’ordonnance de l’ensemble a, de plus, cette ampleur et cette liberté, ce sens décoratif que Cimabne a réveillé dans l’art. — Il faut accorder une attention spéciale aux mosaïques des Cosmates, qui ont joué un rôle si important (v. plus haut) dans l’histoire de l’architecture et de la sculpture. Jacob est l’auteur d’un buste du Sauveur, d’une grande simplicité de forme, au-dessus de la porte latérale droite dans le porche de l’église de Cività Castellana [c], et d’une petite image du Sauveur entre deux esclaves, par allusion à l’ordre des Trinitaires, sur le portail du Cœlius, qui appartient aujourd’hui à la Villa Mattei [d]. Johannes est l’auteur de la Madone du tombeau Durand à S. Maria sopra Minerva [e] et de la Madone dans le monument de cardinal Consalvo à S. Maria Maggiore [f] (v. Architecture), toutes deux gracieuses et dignes au même degré. — Ce devait être un élève de l’école des Cosmates que ce Pietro Cavallini auquel Vasari attribue les mosaïques inférieures de l’abside de S. Maria in Trastevere [g], représentant des Scènes de la Vie du Christ et de la Vierge. Ici, de même que dans l’abside de S. Crisogono [h], de style semblable (fragment d’une Madone entre saint Chrysogone et saint Jacques), on reconnaît la transition à l’art de Giotto. — Les mosaïques de l’ancienne façade de S. Maria Maggiore [i]] (facilement visibles dans la loggia supérieure de la façade nouvelle) ont été exécutées vers 1300 par Philippus Rusutti : elles ne sont pas d’une invention très originale, mais la libre ordonnance et la décoration architectonique y rappellent un peu la manière pompéienne. La série inférieure est peut-être de Gaddo Gaddi, à qui Vasari attribue le travail tout entier.

Tandis que dans ses œuvres romaines le byzantinisme semble presque vaincu, il règne encore à Naples. La belle mosaïque de S. Restituta [j] (chapelle à gauche), une Madone avec deux saints, montre ce style (vers 1300) avec un caractère d’animation et de noblesse qui rappelle Cimabue. — C’est un contemporain de ce dernier, Tommaso degli Stefani (1230-1310), qui a peint dans la cathédrale [k] la chapelle Minotoli