Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/143

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sur les fermiers du voisinage et sur leurs femmes, sur le village et sur ses habitants, ne valait pas la peine d’être dit. Les confidences de Jane à sa sœur passaient de la boutique de mercerie dans les maisons de ses pratiques : car, quoiqu’on détestât le vieux lord, ses faits et gestes n’en étaient pas moins le sujet de toutes les conversations.

La seconde raison pour laquelle le recteur appréhendait plus encore que de coutume de s’adresser au comte n’avait pas moins d’importance. Il se rappelait la fureur du vieux seigneur quand il avait appris que son fils le capitaine avait épousé une Américaine ; comment il avait traité ce fils, qu’il préférait pourtant intérieurement aux autres, et comment le charmant jeune homme, le seul de cette grande et puissante famille que chacun aimât, était mort sur une terre étrangère, pauvre et abandonné. Il savait, de même que tout le monde, combien le comte haïssait la pauvre jeune veuve qui avait été la femme de son fils, et comment, jusqu’à ce que ses deux aînés mourussent, il avait repoussé la pensée de reconnaître l’enfant de cette étrangère. Il savait enfin avec quelle répugnance il avait fait venir cet enfant, que d’avance il avait déclaré un petit Américain vulgaire, grossier, et plus capable de faire honte à son nom que de lui faire honneur.

Le vieux et orgueilleux seigneur pensait avoir gardé toutes ces pensées en lui-même. Il ne se doutait guère que personne eût osé les deviner, et encore moins en parler ; mais ses domestiques l’observaient et lisaient sur sa figure tout ce qui se passait dans son esprit ; ils le commentaient entre eux. Et pendant qu’il se vantait intérieurement de n’avoir rien de commun