Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/144

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avec le vil troupeau qui l’entourait, Thomas, parlant à Jane la chambrière, au sommelier, au cuisinier et aux autres servantes et domestiques, s’exprimait ainsi :

« Le vieux, là-haut, rumine sur le fils du capitaine, et a grand’peur que ce garçon amené d’Amérique ne soit qu’un pauvre représentant de sa noble famille ; aussi nous n’avons qu’à marcher droit et à ne pas nous faire prendre en faute, car il est pour l’instant d’une humeur de dogue. »

Aussi, tout en montant l’avenue de grands arbres qui conduisait au château, M. Mordaunt se rappelait que le petit garçon en question était précisément arrivé au château la veille, qu’il y avait neuf chances sur dix pour que les appréhensions du comte fussent justifiées, et par conséquent vingt chances pour une, s’il en était ainsi, pour que, le comte étant fort mal disposé, sa colère tombât sur le premier qui se présenterait. Il y avait toutes chances en outre pour que cette première personne fût le révérend lui-même.

On juge donc de son étonnement lorsque, Thomas ayant ouvert la porte de la bibliothèque, un éclat de rire argentin, poussé par un enfant, arriva jusqu’à lui.

« Cela vous en fait deux de pris ! disait une petite voix claire et gaie ; voyez, cela vous en fait deux de pris ! »

Le comte était assis dans son fauteuil, à sa place ordinaire, son pied malade posé sur son tabouret ; à côté de lui se penchait sur son bras un petit garçon, à la figure animée, aux yeux brillants. « Cela vous en fait deux de pris ! répétait-il ; vous n’avez pas eu de bonheur, cette fois ; vous serez plus heureux une autre. »