Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/149

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« Que feriez-vous dans le cas dont vient de parler M. Mordaunt, si vous étiez à ma place ? »

Il faut convenir que le révérend éprouva en ce moment une curieuse sensation. Il y avait longtemps qu’il était recteur de la paroisse : il connaissait tous ceux qui l’habitaient, riches et pauvres, probes et malhonnêtes, fainéants et industrieux, et il réfléchissait au pouvoir que le petit garçon qui se tenait tranquille devant le comte aurait un jour pour le bien et pour le mal de tout ce monde. Le caprice d’un lord orgueilleux et fantasque pouvait lui accorder ce pouvoir dès à présent, et le ministre se disait que, si la nature de l’enfant n’était pas droite et généreuse, ce caprice pouvait avoir les conséquences les plus fâcheuses, aussi bien pour le futur maître du domaine que pour les tenanciers.

« Que feriez-vous à ma place ? » répéta le comte.

Le petit lord fit un nouveau pas en avant, et, posant une main sur le genou de son grand-père avec la confiance d’un enfant aimé :

« Si, au lieu d’être un petit garçon, j’étais à votre place, je voudrais qu’on laissât Hugues tranquille, qu’on lui accordât du temps pour payer. Je lui donnerais de plus ce dont il a besoin pour ses enfants. Seulement… seulement je ne suis qu’un petit garçon, et alors… » — Puis, après une pause pendant laquelle une légère rougeur monta à son visage : « Mais vous, dit-il, vous êtes riche ; vous pouvez lui accorder ce qu’il demande.

— Hum ! comme vous y allez ! fit le comte, d’un ton qui prouvait qu’il n’était pas mécontent.