Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait été appelé « le méchant comte de Dorincourt ». Cette pensée faisait courir en lui un léger tressaillement. Quelquefois, dans ces préoccupations, il oubliait sa goutte, et, au bout d’un certain temps, son docteur fut surpris de trouver que la santé de son noble malade s’améliorait plus qu’il ne s’y serait jamais attendu. Peut-être en était-il ainsi parce que le temps ne se traînait plus si lentement pour lui, et qu’il avait autre chose à penser qu’à ses souffrances et à ses infirmités.

Un beau matin, les gens du village furent étonnés de voir le petit lord chevaucher à côté d’un cavalier qui n’était pas son compagnon habituel. Ce cavalier montait un grand et fort cheval gris, et n’était autre que le comte lui-même. Au moment où Cédric allait enfourcher son poney pour sa promenade de tous les jours, il avait dit à son grand-père :

« Je regrette bien que vous ne puissiez monter à cheval. Quand je pars, je suis peiné de vous laisser seul dans ce grand château. Si vous pouviez venir avec moi ! »

Quelques instants après, cet ordre du comte : « Qu’on selle Selim ! » mettait les écuries en mouvement : car il y avait bien longtemps que lord Dorincourt n’en avait donné de semblable. Depuis, Selim fut sellé presque chaque jour, et on s’accoutuma à voir le grand cheval gris et la silhouette imposante du comte se montrer à côté du petit poney brun que montait le petit lord.

Dans leurs promenades à travers champs ou le long des jolies routes du comté, les deux cavaliers devinrent de plus en plus intimes. Peu à peu le grand-père apprit beaucoup de choses sur « Chérie » et sur la vie qu’elle menait. Tout en