Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/268

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— Un contraste frappant avec ce que fut son grand-père, n’est-ce pas ? dit le comte d’un ton sarcastique.

— Je n’ai pas eu, jusqu’à présent, le plaisir de connaître personnellement son grand-père, dit Mme Errol ; mais je sais qu’il a été bon pour mon petit garçon ; je sais aussi que Cédric le croit… »

Elle s’arrêta un moment, regarda le comte en face et ajouta :

« Je sais que Cédric aime son grand-père.

— M’aurait-il aimé, dit le comte sèchement, si vous lui aviez dit pourquoi je ne vous recevais pas au château ?

— Non, répondit Mme Errol : je ne le pense pas ; c’est pourquoi je n’ai pas voulu qu’il le sût.

— Eh bien, répliqua le comte brusquement, il y a peu de femmes qui ne le lui auraient pas dit. »

Il se leva et se mit à marcher dans la chambre, tirant sa grande moustache plus que jamais.

« Oui, il m’aime, dit-il enfin ; il m’aime et je l’aime. Je ne peux pas dire que j’aie jamais aimé quelqu’un ou quelque chose avant lui ; mais lui, je l’aime ; je l’aime autant que je puis aimer et bien plus que je ne m’en croyais capable. Il m’a pris le cœur dès que je l’ai vu. J’étais un vieillard fatigué de la vie, il m’y a rattaché. Il m’a donné une raison de vivre. Je suis orgueilleux de lui, et c’était une satisfaction profonde pour moi de penser qu’il serait un jour à la tête de la famille. »

Il s’arrêta devant Mme Errol.

« Je suis très malheureux ! dit-il, très malheureux ! »

Et il semblait très malheureux, en effet. Tout l’empire qu’il possédait sur lui et même tout son orgueil ne pouvaient empêcher