Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/59

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dans une visite à Dick, et l’après-midi où Cédric étonna si fort la marchande de pommes — d’ancien lignage — en s’arrêtant devant son éventaire et en lui apprenant qu’elle allait avoir un châle, une tente, un poêle, et de plus une somme d’argent qui sembla à la bonne femme tout à fait considérable.

« Car je vais aller en Angleterre pour être un lord, dit l’enfant avec simplicité, et je n’aimerais pas à penser que vos os vous font mal, chaque fois qu’il pleut. Mes propres os ne me font pas de mal, et je ne m’imagine peut-être pas très bien ce qu’on éprouve dans ce cas-là ; mais cela ne m’empêche pas de sympathiser avec vous de tout mon cœur, et j’espère que vous serez mieux maintenant.

« C’est une très bonne femme, dit-il à M. Havisam en quittant la propriétaire du futur établissement, à peine revenue de sa surprise et ne pouvant croire à cette fortune inespérée ; c’est une très bonne femme. Une fois que je tombai et que je me fis mal au genou, elle me donna une pomme pour rien. Je me le suis toujours rappelé. On se rappelle toujours quand quelqu’un a été bon pour vous. »

Il n’était jamais entré dans son excellent, simple et honnête petit esprit qu’on pût être ingrat.

L’entrevue avec Dick fut tout à fait émouvante. Les affaires du petit décrotteur étaient dans le plus triste état ; ses brosses étaient usées, et il n’avait pas le moyen de les remplacer. Quand Cédric lui annonça, de son petit ton doux et tranquille, et sans prendre le moins du monde un air important, qu’il allait lui fournir de quoi s’établir d’une manière tout à fait confortable, la surprise rendit le pauvre garçon presque muet.