Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/60

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En apprenant que son jeune ami était lord et menaçait de devenir comte, il demeura saisi de stupeur et resta quelques instants la bouche et les yeux ouverts, pendant que sa casquette roulait par terre sans qu’il s’en aperçût. En la ramassant, il poussa une exclamation dont le sens échappa à M. Havisam, mais que Cédric comprit mieux.

« Non, répondit-il, je ne suis pas fou ; M. Hobbes a cru comme vous ; il s’est imaginé que j’avais perdu la tête, mais rien n’est plus vrai que ce que je vous dis. D’abord j’étais un peu fâché de penser que j’étais lord et que je serais comte ; mais depuis que j’en ai usé, je trouve que c’est très agréable. C’est mon grand-père qui est comte maintenant, et il a dit qu’il voulait faire tout ce qui me ferait plaisir. Il est très bon, quoique comte, et il m’a envoyé beaucoup d’argent par M. Havisam. »

La fin de l’histoire fut que Cédric remit à Dick la somme nécessaire pour acheter les objets qu’il ambitionnait, à savoir : l’estrade, la chaise, le parapluie, les brosses, et une demi-douzaine de pots de cirage. Cédric y joignit des habits et une casquette pour remplacer la sienne, qui avait subi bien des orages, sans compter son dernier plongeon dans le ruisseau. Le pauvre garçon ne pouvait pas plus croire à son bonheur que la marchande de pommes — d’ancien lignage — ne pouvait croire au sien. Ses jambes flageolaient, il regardait son petit bienfaiteur d’un air tout effaré. Pourtant, quand Cédric eut glissé un billet entre ses doigts, il comprit qu’il n’avait pas rêvé, comme il avait été un instant tenté de le croire.

« Adieu, dit le petit lord en lui donnant une poignée de