Page:Burney - Cecilia ou Memoires d une heritiere 1 an III.djvu/168

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mais nous nous flattions qu’il se prêterait à notre situation. Nous étions sans ouvrage, on nous persécutait ; jamais on ne nous avait offert d’entreprise aussi avantageuse ; nous avions un grand nombre d’enfants à nourrir, bien des pertes à réparer et des maladies fréquentes… Ah, madame, si vous saviez tout ce que le pauvre souffre !

Ce discours présenta une foule d’idées toutes nouvelles à l’esprit de Cécile ; elle avait peine à concevoir qu’un homme pût conserver cet extérieur libre et avantageux qui annonçait le bonheur, et se rendre en même temps coupable d’une pareille injustice et de tant d’inhumanité, et qu’il eût le front de tirer vanité d’ouvrages dont la main-d’œuvre n’était point encore payée. Elle voyait avec étonnement, qu’il continuait toujours à vivre avec le même faste, et que, quoique son crédit commençât à tomber, il ne diminuait en rien sa dépense. Cette conduite lui paraissait si extraordinaire, qu’elle avait peine à croire, malgré ce qu’elle voyait, qu’une telle inconséquence