Page:Burney - Cecilia ou Memoires d une heritiere 6 an III.djvu/38

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grande ville abonde. Les malheureux qui l’entouraient faisaient beaucoup de bruit. Occupés à boire, ils ne s’apperçurent point de mon arrivée… Pour elle, il n’en fut pas de même ; à peine me vit-elle qu’elle me reconnut. Nous ne nous parlâmes point ;… mais au bout d’un moment elle s’évanouit. Je ne la secourus point ; les gens de la maison en prirent soin, et la firent revenir ; et lorsqu’elle fut en état de se soutenir, ils voulurent la faire passer dans une autre chambre. Je m’avançai pour-lors ; et le désespoir me prêtant des forces, je les contraignis à l’abandonner. Elle paraissait s’en remettre à la destinée de ce qu’elle deviendrait. Je m’écriai : laissez-moi vous arracher de ces lieux abominables, pour lesquels vous n’êtes point faite ! Venez et fiez-vous à moi. Je saisis sa main, et l’entraînai. Elle tremblait ; à peine pouvait-elle faire un pas ; elle ne consentait ni ne refusait ; elle ne versait pas une larme, et ne disait pas un seul mot : sa figure présentait une image frappante de l’effroi, de l’horreur et du trouble. Je la conduisis dans une maison de campagne,