Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/193

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« Il seroit inutile, continua-t-il, de vous recommander un secret absolu sur cette aventure ; je serois fâché qu’elle transpirât ; mais j’ai cru qu’il étoit de mon devoir de faire rentrer M. Lovel dans les bornes du respect qu’il doit à vous, madame, et à la jeune demoiselle qui est sous votre protection ».

Si j’avois été informée plutôt de cette visite de mylord Orville, elle m’auroit donné bien des inquiétudes. J’avoue cependant que je suis infiniment flattée des soins généreux qu’il a pris pour me mettre à l’abri des insultes de M. Lovel ; cette démarche prouve du moins qu’il n’a pas de moi une idée tout-à-fait désavantageuse. — Peut-être aussi, hélas ! ne prouve-t-elle rien ; il est très-possible que le lord n’ait eu en vue que de satisfaire sa propre délicatesse.

J’admire le calme et le sang-froid du vrai courage. Qui eût dit, en voyant mylord Orville à la comédie, qu’il pousseroit son ressentiment jusqu’à ce point ! Il est vrai pourtant qu’il marqua son mécontentement d’une manière assez visible, et il n’y eut, je crois, que sa bravoure réelle et sa politesse, qui l’empêchèrent d’en venir à des explications en notre présence.