Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/225

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qui me met dans une frayeur mortelle : vous la trouverez vous-même aussi inattendue que révoltante.

Après avoir passé quelques heures de cette après-dînée à lire des lettres qu’elle a reçues de Londres, elle m’a fait prier d’aller la trouver dans sa chambre. Je m’y suis rendue aussi-tôt, et l’ai trouvée de fort bonne humeur. « Approchez, me dit-elle, mon enfant ; j’ai d’excellentes nouvelles à vous apprendre ; vous en serez étonnée, ravie, je gage ; car vous n’en avez aucune idée ».

Je la priai de vouloir bien s’expliquer, et alors elle s’est donné pleine carrière. Elle étoit fâchée, disoit-elle, qu’on eût fait de moi une misérable villageoise, une vraie poule mouillée, tandis que j’étois destinée à être une grande et belle dame : qu’elle avoit déjà eu souvent à rougir de moi, quoique pourtant la faute ne fût pas de mon côté, et qu’on ne pouvoit guère attendre mieux d’une fille qui avoit été claquemurée toute sa vie ; qu’en attendant, elle avoit formé un projet qui feroit de moi une tout autre créature.

J’attendois avec impatience à quoi mèneroit ce préambule ; mais quelle fut mon épouvante, lorsqu’elle m’informa