Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/235

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Belmont. Pouvois-je aimer cette pauvre orpheline, sans détester l’auteur de sa ruine ? Pouvois-je confier la fille au bourreau de la mère ? Pouvois-je lui abandonner un enfant innocent, qui excitoit toute ma compassion et ma pitié ?

Je déteste jusqu’au nom de cet homme, je ne puis l’entendre prononcer, et souvent même j’ai été sur le point de le maudire. Malgré cela, je n’ai jamais pensé à lui retenir son enfant ; loin de-là, je me serois fait une joie de la remettre entre ses mains, pour peu qu’il eût donné des marques de regrets, ou même d’humanité ; mais jusqu’ici il est absolument indigne du bonheur d’être père, puisque le barbare, étouffant tous les sentimens de la nature, a poussé la dureté jusqu’à ne pas s’informer de l’existence de cette infortunée, quoiqu’il ne sût que trop dans quel état il avoit laissé sa malheureuse épouse. Vous me demandez, madame, quelles sont mes intentions ? je prévois qu’elles sont de nature à ne pas obtenir votre suffrage. Il est vrai pourtant que, plus d’une fois, j’ai pris la résolution de présenter mon Evelina à son père, et de réclamer ses droits ; mais j’ai toujours renoncé à l’exécution