Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fisse avancer. Elle n’y consentit qu’après que je lui eus fait sentir qu’un plus long séjour dans cet endroit nous exposeroit à de nouveaux dangers : frappée de cette idée, elle se détermina enfin à partir.

Elle étoit dans un état effroyable, et je tremblois de la faire paroître devant les domestiques, qui, à l’exemple de leur maître, se préparoient à rire à ses dépens. Imaginez-vous une femme sortant d’un fossé, les cheveux hérissés, sans mouchoir, sans souliers, la robe déchirée, les jupes à moitié arrachées, le visage couvert de rouge, de sueur et de poussière, et vous trouverez que cette figure bizarre ne ressembloit guère à une créature humaine.

Ce que j’avois prévu arriva. Dès qu’elle parut, les domestiques pensèrent étouffer de rire ; je la pressai de monter au plus vîte en carrosse, pour l’empêcher de se donner en spectacle : mais toutes mes remontrances ne furent d’aucun effet, elle ne lâcha prise qu’après avoir querellé tout le monde de n’être point venu à son secours. Le domestique essaya de se justifier ; et, sans oser la regarder en face, il lui conta que les voleurs l’avoient menacé de lui brûler la cervelle, s’il s’avisoit de faire un seul pas ;