Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/278

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fois signe de lui donner de l’argent. Le coquin étoit assez rusé pour ne pas prononcer un seul mot, afin de ne pas se trahir par la voix ; mais je le retrouverai bien sans cela. Quand il a vu que je n’avois rien à lui donner, il a recommencé à me sangler de rudes coups ; et après m’avoir appuyée contre un arbre, il a tiré une grosse corde de sa poche. J’étais prête à tomber en foiblesse ; car je suis sûre que son intention étoit de m’étrangler. J’ai crié au meurtre, et je lui ai promis, dans l’angoisse où j’étois, que, pourvu qu’il épargnât ma vie, je ne le poursuivrois jamais, et ne parlerois à personne de ce qu’il m’avoit fait souffrir. Après avoir rêvé un moment à ce qu’il lui restait à faire, il m’a forcée de m’asseoir dans le fossé, et il m’a lié les pieds comme vous l’avez vu ; enfin, après m’avoir tiraillée par les cheveux, il s’est remis à cheval, toujours sans dire mot, et s’en est allé, espérant sans doute que je périrois dans la situation où il me laissoit ».

J’étois trop indignée contre le capitaine, pour faire attention à la partie comique de ce récit, et je détestois du fond de mon cœur les excès inhumains et inexcusables auxquels on avoit poussé