Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/292

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décrire le poids de la douleur qui m’accable. Vous, qui connoissez mon cœur, qui l’avez formé, vous sentirez aisément quelle doit être ma situation dans ce moment décisif.

Rebutée, rejetée pour jamais par celui auquel j’appartiens de plein droit, vous demanderai-je encore votre protection ? Non, monsieur, je n’offenserai point votre générosité par une prière qui sembleroit impliquer des doutes ; je sais que vos bras paternels me sont encore ouverts ; je sais que votre premier souhait est d’adoucir mes chagrins ; et puisque vous me restez seul pour toute consolation, je suis plus sûre que jamais de vos bontés.

Je tâche de supporter ce coup avec résignation, et vos conseils me sont déjà d’un grand secours, même avant que je les aie reçus ; mais jusqu’ici cette secousse est trop forte pour mon pauvre cœur. Quelle lettre, monsieur, de la part d’un père ! Il faudroit que je fusse sourde à la voix de la nature, si j’étois insensible à l’abandon auquel il me condamne. Je n’ose vous avouer, je n’ose m’avouer à moi-même, toutes les idées qui m’assiégent quelquefois, et j’ai de la peine à m’en défendre ; la dureté de ce procédé