Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/327

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que nous avons trouvées de temps en temps dans sa chambre, nous font juger qu’il est poète, ou du moins qu’il a un coup de hache ».

Ils me montrèrent quelques fragmens confus, écrits sur des feuilles volantes, sans ordre, ni liaisons : ils portent tous l’empreinte d’une humeur mélancolique. J’y ai distingué un morceau que je crois digne d’être conservé ; j’en ai pris copie, et je vous le transcris ici.

« Ô vie humaine ! douloureux et pénible mélange singulier de tous les maux, de toutes les vicissitudes de la nature ! tantôt tu flattes les malheureux mortels des plus belles espérances, et tantôt tu les accables du poids cruel du désespoir. Ô homme ! esclave de l’orgueil, tu ressembles à un enfant capricieux, qui, sans connoître ce qui lui est utile, ne trouve du plaisir que dans les choses qu’on lui refuse, et du dégoût que dans ce qui lui est accordé !

» Ô toi ! dont la durée est si précaire et si courte, en bute au vice et à la folie, toujours tourmentée par l’indigence, la honte et les remords ! ô vie ! à mesure que tu avances tes pas pénibles, tu sembles offrir à la jeunesse des couronnes et des fleurs, et tu réserves à la vieillesse