Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/338

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À ces mots, il laissa tomber les pistolets, et, en joignant les mains, il s’écria avec ferveur : « Ô mon Dieu ! est-ce un ange que tu m’envoies » ?

Encouragée par ces mots, j’essayai encore une fois de m’emparer de ses armes ; mais ce furieux m’en empêcha, et s’écria : « Que prétendez-vous faire » ?

« Vous réveiller, repris-je avec une intrépidité que j’aurois de la peine à retrouver ; vous ramener à la raison, vous sauver du précipice ».

Je pris les pistolets ; l’homme ne dit pas un mot, il ne chercha pas non plus à me retenir. Je me glissai hors de la chambre, et je descendis avant qu’il eût le temps de revenir de son extase.

De retour dans la chambre d’où j’avois observé le commencement de cette scène effrayante, je n’eus rien de plus pressé que de me jeter sur une chaise, pour m’y abandonner aux sentimens douloureux dont j’étois accablée ; un ruisseau de larmes me soulagea fort à propos.

Je demeurai dans cette situation pour rêver à l’aventure dont je venois d’être témoin ; le premier objet que je vis en levant les yeux, fut le malheureux jeune homme qui m’avait causé tant d’alar-