Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/339

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mes : il se tenoit appuyé contre la porte, ses yeux égarés fixés sur moi.

Je voulus m’avancer vers lui, mais je n’eus pas la force de quitter mon siége. Alors il me dit d’une voix tremblante : « Qui que vous soyez, tirez-moi, je vous supplie, de l’incertitude où je me trouve ; ce qui vient de m’arriver, est-ce un songe » ?

Je n’eus pas la présence d’esprit de répondre à cette question, qui me saisit par le ton singulier et en même temps solemnel dont elle fut prononcée. Mais, comme je remarquai que l’étranger cherchoit des yeux les pistolets, et qu’il faisoit mine de vouloir s’en rendre maître, je fus la première à les relever, et je lui criai : « Arrêtez ! au nom du ciel » !

« Mes yeux ne me trompent-ils pas, reprit-il ? suis-je bien au monde ? Et vous-même, y êtes-vous » ? —

Il fit quelques pas vers moi ; je me retirai à mesure, en tenant toujours les pistolets : « Non, lui dis-je, vous ne les aurez pas ; vous ne les obtiendrez jamais de mes mains ».

« Et dans quelle vue prétendez-vous me les retenir ? »

« Pour vous laisser le temps de ré-