Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/58

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Ces gens du monde ont trop de présence d’esprit pour découvrir jamais leur trouble et leur mauvaise humeur, quand même ils en auroient le cœur navré : eussé-je été la première personne de l’assemblée, il n’auroit pu me traiter avec plus d’égards et de politesse.

Je ne parvins point à me remettre, pas même après la danse ; mon cavalier me présenta un siége, en me disant qu’il ne souffriroit point que je me fatiguasse par complaisance.

Avec un peu plus d’habileté, ou seulement avec un peu plus de courage, j’aurois pu lier une conversation très-intéressante. Je vis alors que la naissance du lord Orville étoit son moindre mérite, et qu’il se distinguoit bien plus par son esprit et ses manières. Rien de plus juste et de plus piquant que ses remarques sur l’ensemble de notre société. Je ne conçois pas comment je pus rester aussi indifférente ; mais je me rappelois toujours le misérable rôle que j’avois joué en présence d’un observateur si délicat ; et ce qui m’empêcha de goûter ses plaisanteries, c’est ce qui excita ma compassion pour d’autres. Cependant, je n’avois pas le courage ni de prendre leur défense, ni de railler à mon tour ; je me