Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/88

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repris mon sérieux ; mais quelle fut ma consternation, quand cet homme, destiné à être mon fléau, s’écria : « Ah ! mylord Orville, je n’avois pas l’honneur de vous connoître. Mais que direz-vous de mon usurpation ? Vous m’avouerez cependant qu’une capture comme celle-là n’étoit pas à négliger ».

Ma honte et ma confusion étoient inexprimables. Qui pouvoit prévoir que cet homme connoissoit le lord Orville ? Hélas ! le mensonge est aussi peu sûr qu’illicite !

Mylord Orville paroissoit stupéfait, et avec raison.

« Tout le monde, continua ce misérable, n’a pas votre sang-froid, mylord ; j’ai eu de la peine à me mettre bien dans l’esprit de cette dame, et je n’ose pas trop me flatter d’avoir réussi. Vous seriez fier, mylord, si vous saviez avec quelle difficulté j’ai obtenu l’honneur d’une seule danse ».

Je perdis toute contenance. Mylord Orville demeura immobile. Madame Mirvan me regarda avec surprise. Mon persécuteur s’étant tourné vers moi, s’empara de ma main ; et en la présentant au lord, il lui dit : « Jugez avec quel regret je vous cède cette belle main » !